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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

rompre la négociation, et se défendre jusqu’au bout avec la dernière vigueur. Ce généreux sentiment prévalut, et tous les membres de l’assemblée jurèrent de sacrifier leurs biens et leurs vies pour la défense du territoire et le salut de la patrie[1].

Tel fut l’effet des propositions révoltantes remises par M. de Louvois. Elles provoquèrent une résolution désespérée que contribua à faire prendre aussi une révolution populaire qui venait de s’accomplir. Cette révolution devait accompagner et servir le projet d’une résistance nationale. Le parti du stathoudérat, qui avait déjà fait de si grands progrès, fut plus indigné encore que le parti républicain des conditions honteuses auxquelles il fallait traiter avec Louis XIV. Dans les dangereuses extrémités où l’état se trouvait réduit, il regarda le prince d’Orange comme seul capable de conjurer sa perte. Il crut donc le moment venu d’abattre ce parti de Lowestein qui se montrait faible après avoir été imprévoyant, et dont la puissance chancelante ne pouvait pas être soutenue par les frères de Witt, puisque l’un, le ruard (bailli) de Putten, était malade à Dordrecht, et que l’autre, le grand pensionnaire, était retenu au lit par ses blessures. Résolu de rétablir le stathoudérat, et n’espérant pas y faire consentir les membres des États qui naguère en avaient juré l’abolition par l’édit perpétuel, ce parti eut recours aux violences populaires pour les y contraindre. Il commença donc cette révolution par des soulèvemens dans les villes où les régences étaient contraires au stathoudérat, mais où le peuple, les ministres protestans et les milices bourgeoises, lui étaient extrêmement favorables.

La ville de Weere, dont le prince d’Orange était marquis, donna le signal en Zélande. Celle de Dordrecht, patrie des de Witt et depuis long-temps à la tête des régences républicaines, la suivit de près en Hollande et imprima au mouvement révolutionnaire un caractère plus sérieux. Le peuple insurgé arbora sur les tours de la ville deux drapeaux, l’un orange, l’autre blanc, en plaçant le premier au-dessus du second avec ces mots : Orange dessus, Witt dessous[2]. Il contraignit en même temps la régence épouvantée d’envoyer une députation au prince d’Orange, de l’appeler du camp de Bodegrave dans la ville, et, quand il y fut, de le proclamer stathouder. Les magistrats de Dordrecht, sous le coup des menaces du peuple, renoncèrent les premiers à l’édit perpétuel, dispensèrent le

  1. Basnage, Annales, etc., t. II, p. 249-251.
  2. Witte en hollandais signifie blanc.