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moins de combattre, elle se rangea promptement en bataille. Le duc d’York, monté sur le Prince, occupa le centre avec l’escadre rouge, le comte d’Estrées se plaça à sa droite avec l’escadre blanche, et le comte de Sandwich à sa gauche avec l’escadre bleue.

Ruyter plaça Bankert, avec l’escadre de Zélande, en face du comte d’Estrées et de l’escadre française. Il opposa l’intrépide Van Guent au comte de Sandwich, et il se chargea avec Van Nès d’attaquer le centre des Anglais. Dès qu’il eut donné le signal, il marcha droit sur le vaisseau amiral qui portait le duc d’York. Il dit à son pilote en le lui montrant : Voilà notre homme, et celui-ci, comprenant sa belliqueuse volonté, lui répondit tout aussi simplement en ôtant son bonnet : Monsieur, vous allez le rencontrer[1]. Il dirigea en même temps les Sept Provinces, que montait Ruyter, sur le vaisseau du duc d’York, dont il essuya la bordée, mais qu’il foudroya d’une manière terrible. La lutte fut acharnée de part et d’autre. Mais le vaisseau anglais se trouvant bientôt désemparé, le duc descendit dans une barque par la fenêtre de sa chambre, traversa à la rame le feu de l’ennemi, et transporta le pavillon royal sur le Saint-Michel. Ce vaisseau fut encore tellement battu avant la fin de la journée, que le duc d’York se vit contraint de passer avec son pavillon sur le Londres, où il continua le combat qui fut au centre une sanglante mêlée.

La bataille fut moins animée à l’aile droite où le comte d’Estrées s’éloigna vers le sud suivi par l’amiral Bankert qui le canonna ; mais elle fut tout aussi acharnée à l’aile gauche. L’amiral Van Guent fondit sur l’escadre bleue, la perça, et ne fut arrêté dans son attaque impétueuse que par un boulet qui l’emporta. Son escadre, après un moment d’hésitation, se battit avec le même courage, et le comte de Sandwich, forcé de quitter son vaisseau en flammes, fut submergé dans son canot. La lutte dura vaisseau contre vaisseau, avec un acharnement incroyable, depuis sept heures du matin jusqu’au coucher du soleil, sans qu’aucune des deux flottes quittât le champ de bataille. On déploya de part et d’autre une opiniâtreté et une valeur héroïques. Le courage que montra Corneille de Witt ne fut pas le moins digne d’admiration. Malade, mais s’élevant au-dessus des infirmités du corps par la fermeté de l’ame, il se fit porter sur le tillac de Ruyter. Là, ce représentant de la souveraineté des États-Généraux,

    vol. XII, p. 310 (traduction de M. le baron Roujoux, Paris, 1829, in-8o), suit l’indication des mémoires de Jacques II.

  1. Basnage, Annales, t. II, p. 206.