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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

arrière, dans la position centrale de Bodegrave, qui couvrait La Haye, et d’où il pouvait se porter sur les autres points[1]. Malgré cette disposition habile, le prince d’Orange n’aurait pas pu, avec des troupes faibles et découragées, résister à l’armée française qui s’avançait, si, recourant à un remède extrême, on n’avait pas opposé la mer à l’invasion. Dans le péril où se trouvait la république, on appela à sa défense les flots de l’Océan contre lesquels on luttait avec tant de patience et d’industrie depuis plusieurs siècles, et on leur livra le riche territoire qu’on avait conquis sur eux. Les bourgeois d’Amsterdam ouvrirent les écluses de Muyden, et la mer envahit leurs jardins et couvrit leurs belles prairies. Ce patriotique exemple fut imité plus tard par les autres villes qui pouvaient se placer derrière ce redoutable abri. Entourées par l’inondation, elles s’élevèrent du milieu des eaux comme des îles, et les vaisseaux vinrent majestueusement se ranger autour d’Amsterdam[2].

Heureusement pour la république, la guerre de mer lui avait été plus favorable que la guerre de terre. Elle avait équipé de bonne heure une flotte capable de tenir tête aux deux flottes combinées de l’Angleterre et de la France. Elle en avait confié le commandement au glorieux ami des frères de Witt, à Ruyter, sous lequel avaient été placés les deux lieutenans-amiraux hollandais Van Nès et Van Guent, et le lieutenant-amiral zélandais Bankert. Les États-Généraux avaient envoyé sur la flotte, comme leur représentant chargé de leurs pleins pouvoirs, Corneille de Witt, qui s’était récemment illustré par l’exploit de Chatham. Ruyter, ayant soixante-douze vaisseaux de guerre et environ soixante-dix frégates, yachts ou brûlots[3], marcha à la rencontre de la flotte ennemie avec le dessein de la combattre partout où il la rencontrerait. Il l’aperçut, en vue de la baie de Southwold, entre Harwich et Yarmouth, le 7 juin au matin. Elle était composée de quatre-vingt-trois vaisseaux, de guerre et d’environ soixante-six frégates, flûtes, galiotes ou brûlots[4]. Comme elle ne désirait pas

  1. Histoire de Turenne, t. I, p. 459. — Basnage, Annales des Provinces-Unies, t. II, p. 234-235.
  2. Basnage, Annales des Provinces-Unies, t. II, p. 237.
  3. Boismêlé, Histoire générale de la marine française, t. II, p. 504 (édition de Paris, 1742, in-4o). — Basnage, Annales, t. II, p. 205.
  4. Boismêlé, Histoire générale de la marine française, t. II, p. 505. — Le duc d’York, dans ses mémoires, s’en donne moins. — Vie de Jacques II, d’après les mémoires écrits de sa propre main, par le révérend J.-S. Clarke, traduction de Jean Cohen, Paris, 1819, in-8o, t. I, p. 235-236. Lingard, Histoire d’Angleterre,