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GUERRE ET NÉGOCIATIONS DE HOLLANDE.

On s’attacha dès-lors à prendre des places qui ne tinrent pas vingt-quatre heures après la tranchée ouverte, ou qui d’elles-mêmes vinrent offrir les clés de leurs portes. Turenne s’empara du fort abandonné de Tolhuys, si inaccessible, vu son assiette, que quatre soldats y avaient autrefois repoussé une armée espagnole ; d’Huissen, d’Isselwoert, qui mettaient à découvert le pays de Betaw ; d’Arnheim, capitale de la Gueldre ; du fort de Knotzembourg, qui battait Nimègue ; du fort de Schenck, qui avait deux mille hommes de garnison, et n’était tombé, dans les guerres précédentes, au pouvoir de l’habile Frédéric-Henri de Nassau qu’après sept mois de siége. Il investit Nimègue, et il envoya son neveu, le comte de Lorges, occuper Thiel, Buuren, Kuilembourg, les forts de Saint-André et de Voorne jusqu’auprès de Bommel et de Gorcum. En même temps que Turenne se rendait maître de tout le Betaw, Louis XIV, qui avait suivi le cours du Rhin et longé l’Yssel, prenait Doësbourg et Zutphen sur ce dernier cours d’eau et s’emparait du reste de la Gueldre[1].

Cependant on n’avait pas entièrement négligé de marcher en avant. Le 18 juin, le comte d’Estrades, qui connaissait parfaitement la Hollande où il avait résidé tant d’années comme ambassadeur, écrivit de Wesel à Louis XIV de s’emparer immédiatement d’Utrecht : « Par la prise de cette ville, lui dit-il, votre majesté réduira la Hollande à tout ce qu’elle voudra, en ne perdant pas de temps et en envoyant un corps de troupes pour se saisir de Muyden, où sont les écluses, et d’où ce corps pourra pousser jusqu’aux portes d’Amsterdam sans rien craindre, et l’obliger même à traiter[2]. » Par suite de ce conseil, Louis XIV donna l’ordre au marquis de Rochefort de pénétrer sur le territoire hollandais avec quatre mille chevaux, qui se réduisirent malheureusement à dix-huit cents[3] Malgré cette insuffisance de forces, sa marche fut si rapide et rencontra si peu de résistance de la part des populations troublées et villes décidées à se rendre, qu’il s’avança sans obstacle jusqu’au Zuyderzée. Il prit Rhenen, d’où le prince d’Orange s’était replié sur Utrecht, Wageningen, Amersfoort, Naarden, et ses coureurs entrè-

  1. Histoire de Turenne, t. I, p. 453-458. — Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 199-216. — Basnage, Annales des Provinces-Unies, t. II, p. 225-236.
  2. Correspondance de Hollande, vol. XCII.
  3. Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 217.