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Je préfère donc la proposition déjà faite à plusieurs reprises et adoptée par M. de Courvoisier en 1828, à la suite d’un rapport de M. de Cormenin, où l’on trouve toute la vigueur de style, toute la science du premier écrivain de notre droit administratif. Cette proposition consiste à remettre le jugement du contentieux à une section du conseil d’état ; la commission de la chambre des députés la reproduit. Elle crée dans le sein du conseil d’état une section du contentieux investie d’une juridiction souveraine et de dernier ressort, procédant avec les formes des tribunaux ordinaires, jugeant publiquement après plaidoiries d’avocats et conclusions d’un ministère public.

Elle soumet les arrêts de cette section à un recours devant le conseil d’état entier, statuant en assemblée générale, avec le concours même de la section du contentieux, pour incompétence, excès de pouvoirs, omissions de certaines formes substantielles spécialement déterminées, et violation expresse de la loi. Mais ce recours n’appartient qu’à l’état.

Les membres de la section du contentieux ne sont pas inamovibles, mais cette section ne peut se composer que de conseillers d’état ayant au moins cinq ans d’exercice, et choisis par le roi dans les deux premiers tiers du tableau dressé selon l’ordre d’ancienneté. Ils ne peuvent en être distraits que sur leur demande ; en cas de révocation, ils doivent conserver leur titre et le tiers de leur traitement.

J’adopte avec la commission la pensée de remettre le jugement du contentieux à un comité du conseil d’état ; dans tous les systèmes, même dans celui du gouvernement, mon avis est qu’un comité seulement, et non le conseil entier, connaisse du contentieux. Dans l’état actuel, les trente conseillers d’état y prennent part ; aucun tribunal, aucune cour ne siège habituellement en tel nombre. La cour de cassation rend ses arrêts avec le concours de onze membres, les cours royales avec celui de sept seulement. Les affaires contentieuses, malgré leur importance, n’exigent pas la réunion de tant de juges. Il ne faut pas croire que la bonté des arrêts tienne au nombre de ceux qui les rendent : la responsabilité s’affaiblit en se divisant et pèse moins sur chacun ; la discussion est moins pressante dans une grande réunion, et la majorité cède à des impressions générales souvent plus qu’aux argumens topiques et vrais. Les magistrats de cour royale, ceux même de la cour de cassation, confessent que les arrêts rendus en audience solennelle, toutes les chambres assemblées, ne sont pas toujours les plus irréprochables. Le conseil d’état, pour répondre à