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LE CONSEIL D’ÉTAT.

Tout me paraît donc s’opposer à ce que le contentieux administratif soit considéré comme dépendant de la responsabilité ministérielle, et cette garantie supprimée, celle de la juridiction subsiste seule.

Mais le système de la juridiction soulève à son tour de graves objections.

On prétend que ce système est nouveau, et qu’il introduira dans notre droit administratif un principe qui n’y a pas encore trouvé place.

Mais, comme on l’a vu, plusieurs branches du contentieux administratif sont depuis long-temps confiées, soit aux tribunaux civils, soit à de véritables juridictions : indépendamment de ces exemples fort concluans par eux-mêmes, plusieurs monumens de notre législation portent la trace du principe de la juridiction en matière administrative.

En 1790, dans le sein de l’assemblée constituante, qui avait proclamé le principe de la séparation des pouvoirs et n’aurait pas souffert qu’on l’exposât à y porter atteinte, le comité chargé de préparer la loi sur l’organisation judiciaire annonçait qu’il proposerait d’établir dans chaque département « un tribunal d’administration qui jugerait, d’après des lois précises et des formes déterminées, les affaires contentieuses qui peuvent s’élever à l’occasion de l’impôt ou relativement à l’administration. »

Le projet du comité ne fut pas réalisé ; mais, par la loi du 11 septembre 1790, les réclamations des particuliers « en matière de contributions directes, de travaux publics, d’indemnités pour terrains pris ou fouillés et autres, » furent renvoyées aux administrations départementales jugeant en dernier ressort. Des vues d’économie et la crainte de faire revivre des tribunaux d’exception déterminèrent cette résolution. Les administrations départementales différaient à beaucoup d’égards des préfets qui les ont remplacées : elles étaient collectives et sortaient de l’élection ; à cette époque, il n’y avait de confiance que pour les autorités de cette nature. Du reste, la loi les constituait en juridictions, puisqu’elles rendaient des décisions souveraines, sans aucun mélange de la responsabilité ministérielle.

Il est vrai que l’assemblée constituante, par la loi du 17 juillet 1790, réserva à un de ses comités et à elle-même la liquidation de la dette publique ; mais cette attribution toute politique ne consacrait pas un principe et ne dura pas au-delà des circonstances qui l’avaient commandée.