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Les questions que soulève le contentieux administratif tiennent toutes à cet ordre de difficultés : elles portent sur des applications de lois ou de conventions, et sur des constatations de faits ; elles constituent de véritables procès.

J’admets, comme on l’a souvent répété, que l’état, dans les contestations dont se compose le contentieux administratif, ne peut être considéré comme une partie, dans le sens ordinaire et usuel de ce mot. Je consens à ne voir en lui, ainsi qu’on l’a dit encore, que « le pouvoir public agissant comme conservateur de l’ordre social et non comme propriétaire de ses domaines, ou comme exerçant des actions civiles. » Mais le pouvoir public qui s’appelle l’administration, n’est pas au-dessus des lois ; loin de là, toutes celles qui composent ses attributions contiennent des prescriptions sous lesquelles il doit se courber. Les contrats qu’il passe ne sont pas moins impérieux pour lui : il ne peut être admis à décider lui-même quels sont les droits qu’il tient de ces lois ou de ces conventions. Les unes et les autres ont pour objet de restreindre ou de régler son action, d’introduire des garanties contre ses abus, des précautions contre ses erreurs ; il n’y a qu’une autorité impartiale et indépendante qui puisse en assurer l’exécution. Cette autorité se trouve dans une juridiction.

Il n’est pas exact de prétendre que les questions qui touchent au pouvoir social ne puissent être déférées à des juges. Notre législation contient une foule d’exemples contraires : tous les procès relatifs au domaine et à l’enregistrement, aux douanes, aux contributions indirectes, sont soumis aux tribunaux ordinaires ; les règlemens de police reçoivent d’eux leur sanction pénale ; les plus grandes questions de l’ordre public sont impliquées dans l’administration de la justice criminelle.

Quand l’autorité administrative a usé de ses pouvoirs discrétionnaires, il est tout simple, il est nécessaire qu’elle statue elle-même sur les réclamations élevées à l’occasion de ses actes. Elle était juge, et juge sans appel : ces réclamations ne sont qu’une sorte de supplique, le recours à un plus ample examen, un appel à l’administration elle-même : elle était maîtresse de sa décision, elle pouvait admettre ou rejeter, autoriser ou défendre, faire ou ne pas faire. Tout lui était facultatif ; elle ne peut perdre la liberté d’action dont la loi l’avait pourvue ; la plainte qui s’élève n’a pas l’effet de l’en dépouiller. Quant à la partie lésée, elle n’est pas fondée à protester contre cet arbitraire, car elle ne tenait aucun droit de la loi.

Mais quand la réclamation porte sur une mesure du pouvoir limité,