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Il a refusé de connaître de discussions relatives à des mesures de haute police prises par les ministres dans un intérêt de sûreté publique, laissant à la responsabilité constitutionnelle son jeu libre et entier. (Arrêt du 2 août 1836.)

La jurisprudence a ainsi renfermé le contentieux administratif dans des limites bien arrêtées, et en a distrait tout ce qui ne devait point lui appartenir.


Cependant il est vrai, comme je l’ai dit, que des lois exceptionnelles y ont compris des affaires qui, par leur nature, ressortissaient à l’autorité judiciaire, et dans ce nombre, pour choisir l’exemple le plus frappant, les contestations sur les ventes de domaines nationaux. Ces questions tenaient au droit de propriété et étaient du domaine des juridictions civiles. C’est par une transposition de la loi, par un déclassement, selon l’expression de M. Chauveau Adolphe dans son studieux travail sur la Compétence et la juridiction administratives, que leur jugement a été remis à l’administration. Des intérêts politiques ont dicté ce déclassement dont les évènemens ultérieurs ont prouvé la sagesse et la nécessité. Certaines contestations relatives aux domaines engagés, d’autres qui surviennent après les dessèchemens entre les propriétaires intéressés, ont été également comprises dans le contentieux administratif, bien qu’elles dépendissent plutôt du contentieux judiciaire.

Le conseil d’état statue encore par la voie contentieuse sur la validité des élections municipales et départementales, qui, sans être judiciaires, constituent moins des actes administratifs que des opérations politiques. Il statue sur les contraventions de grande voirie, et peut prononcer des amendes, pouvoir qui semble usurpé sur les tribunaux correctionnels.

D’un autre côté, il prononce par la voie contentieuse sur des questions qui, par leur nature, paraîtraient appartenir au pouvoir discrétionnaire, par exemple sur les autorisations accordées ou refusées aux établissemens insalubres et incommodes de deuxième et troisième classes. Ces autorisations, comme toutes celles que l’administration est appelée à donner, ne devraient point relever de la juridiction contentieuse, d’autant plus que celles qui concernent la première classe de ces établissemens sont considérées et traitées comme purement administratives.

Ces diverses espèces appartiennent donc en fait, si l’on peut ainsi dire, au contentieux administratif, mais elles ne le constituent point