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LE CONSEIL D’ÉTAT.

que de simples intérêts, en font partie en vertu de lois spéciales ; mais les exemples de ce genre, sur lesquels je reviendrai, ne constituent que des exceptions, et si, en général, on ne peut fonder un principe sur une exception, c’est surtout lorsqu’il s’agit de l’étude et de l’application de notre législation administrative. Elle contient de nombreuses anomalies et se compose de lois faites à des époques différentes, sous l’influence de principes opposés, sous des formes de gouvernement diverses, au moins par leur esprit. Les rédacteurs, les rapporteurs, les législateurs successifs, ont obéi à des habitudes d’esprit, à des impressions qui ne concordaient pas toujours ensemble, fort zélés, par exemple, dans le règlement des compétences, les uns pour l’autorité administrative, les autres pour l’autorité judiciaire, et faisant pencher la balance d’un côté ou de l’autre, beaucoup moins en vertu de doctrines fixes et arrêtées, que par entraînement ou préjugé.


Le contentieux administratif, en principe et abstraction faite de dispositions purement exceptionnelles, n’est ni un contentieux judiciaire, dérobé aux tribunaux civils, ni le règlement discrétionnaire de simples intérêts, détourné de l’administration pure.

Il diffère du contentieux judiciaire en ce qu’il ne s’applique qu’à des questions de l’ordre administratif, qu’il est réglé par des lois particulières, et soumis à des principes et à des conditions qui lui sont propres. Comme le contentieux judiciaire, il se compose de procès, mais ces procès ont leur caractère spécial, de même que ceux du contentieux commercial ont le leur qui les distingue des procès civils.

Il diffère du règlement discrétionnaire des simples intérêts en ce qu’il ne se produit que quand un droit est invoqué.

Son domaine est immense : il comprend toutes les lois administratives ; toutes en effet lui apportent leur tribut, et concourent à le composer. C’est la conséquence de l’organisation même du pouvoir administratif et de ses rapports avec le pouvoir législatif : quelques réflexions sont nécessaires pour faire comprendre notre pensée.

L’administration publique est instituée pour régler les intérêts généraux, et, tout en les faisant prévaloir sur les intérêts privés, pour concilier leurs exigences respectives, autant que le comportent les circonstances et les nécessités sociales. Pour remplir sa mission, elle a besoin d’air et d’espace ; la liberté est sa vie. L’administration n’est pas un instrument aveugle et fatal ; les citoyens veulent trouver en