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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

les Anglais et avec les Turcs à chasser l’armée égyptienne de la Syrie, ont prétendu se rendre indépendans de la Porte aussi bien que de l’Égypte ; l’intervention des forces britanniques a été nécessaire pour les décider à payer un modique et dérisoire tribut.

Si l’on s’en tient aux considérations d’équité, le raisonnement de lord Palmerston doit paraître encore plus faible. L’arrangement de Kutaya obligeait en effet le sultan comme le pacha ; c’est le sultan qui l’a violé. Veut-on dire que cette infraction, venant du suzerain, pouvait délier les Syriens de la fidélité qu’ils devaient au vassal ? Lorsque l’Europe a contenu Ibrahim au milieu de sa victoire, et qu’Ibrahim s’est arrêté pour lui obéir, n’a-t-elle pas contracté l’obligation morale de le maintenir dans la possession des territoires qu’il s’était abstenu de franchir ? Était-il juste de punir le vice-roi d’Égypte de sa modération, et de récompenser le sultan de sa témérité ?

Lord Palmerston a beau dire, la révolte a été bien nommée. Les puissances européennes peuvent, en se coalisant, déplacer les limites des empires, mais elles ne changeront pas le droit. Il sera éternellement honteux pour l’Europe, pour les cabinets qui représentent des nations civilisées, de n’avoir su vaincre Méhémet-Ali, un barbare, qu’en le trompant et qu’en manquant à la foi jurée.


LÉON FAUCHER.
(La suite au prochain numéro.)