Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/545

Cette page a été validée par deux contributeurs.
541
HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

« Je vous avoue que ce n’est pas sans quelque regret que je vois ainsi s’évanouir l’espoir que nous avions de voir la puissance de Méhémet-Ali s’écrouler de fond en comble ; mais mon rôle est fini, et il ne me reste plus qu’à attendre les ordres que mon gouvernement voudra bien me faire parvenir, et à les exécuter scrupuleusement. »

Quel est donc ce rôle de l’internonce qui finit au moment où M. de Metternich exige impérativement la paix, sinon un rôle secret, un rôle belliqueux, le rôle d’agent provocateur ? Lord Ponsonby n’a que trop bien rempli la même mission. Dès l’année 1835, et par les conseils de l’ambassadeur anglais, la Porte envoyait un agent à l’émir Béchir, pour l’inviter à secouer l’autorité de Méhémet-Ali. Cet agent était, dit-on, M. Fitznechter, secrétaire de M. Blake, qui rédigea plus tard le Moniteur Ottoman. L’émir accueillit avec empressement l’envoyé de la Porte ; mais, avant de se déclarer, il voulait attendre que les Turcs se fussent rendus maître du littoral de la Syrie. « Les montagnards, disait-il, n’auraient de chances de succès que lorsque la plaine serait au pouvoir de la Porte ; car la montagne, ne produisant de blé que pour une consommation de trois mois, serait bien vite affamée par un ennemi qui occuperait Beyrouth et Tripoli. » Cette raison est la même que l’émir donnait encore en 1840 aux agens de l’Angleterre pour expliquer son inaction.

En 1836, l’intervention de l’Angleterre prend une forme plus directe. Un nouvel émissaire est envoyé dans le Liban, non plus un étranger, ni un employé de la Porte, mais un Anglais attaché à l’ambassade britannique, M. Richard Wood, beau-frère de M. Moore, consul d’Angleterre à Beyrouth. Le prétexte dont lord Ponsonby couvrit cette mission fut la nécessité pour M. Wood, dont on voulait faire un drogman, de se familiariser avec la connaissance de la langue arabe ; mais l’agent de lord Ponsonby devait en réalité se mettre en rapport avec les scheiks de la montagne, et les sonder sur leurs dispositions à l’égard de Méhémet-Ali. On en trouvera la preuve dans les lettres écrites par M. Wood pendant le cours de sa seconde mission, et qui font allusion à ces préliminaires de la révolte.

« Lorsque j’eus l’honneur de présenter mes respects à votre excellence, il y a quatre ans, je fis allusion à la séparation qui s’opérerait probablement un jour entre la Syrie et les domaines de Méhémet-Ali. (Lettre de M. Wood à l’émir Béchir. — II-Shehaby, 13 août 1840.)

« Mon prince, vous devez vous souvenir de la conversation que nous avons eue, il y a quatre ans, et de la détermination que vous manifestâtes alors d’armer vos compatriotes, pourvu que l’Angleterre vous assistât dans vos