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l’approche du danger, adressèrent à la Porte les plus vives représentations, et commencèrent à échanger entre eux des projets vagues encore pour rétablir une paix durable en Orient.

La Porte cependant dissimulait avec l’Europe. Ses ambassadeurs protestaient des intentions pacifiques du sultan, pendant que l’armée turque s’avançait vers les frontières de la Syrie. Sommé par le prince de Metternich d’abandonner ces préparatifs de guerre, Mahmoud faisait répondre à l’internonce autrichien :

« M. l’internonce a parlé à Nourri-Effendi d’un terme moyen pour la solution de cette question, sans avoir recours aux armes ; cela veut dire la rentrée de Méhémet-Ali dans la position qui lui convient comme sujet. Mais cette position ne peut se réaliser que par la restitution par Méhémet-Ali d’Adana, de Damas, d’Alep, de Seyda, de Jérusalem et de Naplouse, et par la réduction de ses flottes actuelles, à ce point qui seul serait compatible avec sa qualité de sujet. Si les grandes puissances veulent travailler à faire naître un pareil état de choses, alors il serait digne de moi d’y donner mon adhésion impériale.

« J’ai également reçu de sa hautesse, l’ordre de dire que, si le gouvernement de sa majesté britannique veut faire un acte de bienveillance et d’amitié, en adhérant à un traité d’alliance conçu dans le sens ci-dessus exprimé, sa hautesse l’acceptera avec plaisir. »

Cet ultimatum du sultan ne laissait plus aucun espoir de conserver la paix. Aussitôt que les puissances en ont acquis la conviction, au lieu de se montrer fidèles à leurs déclarations réitérées et de persévérer dans le blâme qu’elles avaient déjà infligé à la conduite de la Porte, elles se résignent à la guerre qu’elles n’ont pas su empêcher, et s’associent même aux passions du sultan en cherchant à renvoyer à Méhémet-Ali la responsabilité des évènemens. La Russie et l’Angleterre jettent le masque avant les autres. Cette conspiration déloyale se montre à découvert dans une dépêche écrite par lord Ponsonby, le 20 mai 1839, un mois avant la bataille de Nézib.

« Le lieutenant-colonel Campbell a transmis à votre seigneurie la copie d’une lettre à la date du 1er mai, écrite par Artin-Bey, et communiquée aux consuls[1]. Une copie en est parvenue aussi au sultan, qui a été tellement exas-

  1. Voici cette lettre :

    « Son altesse le généralissime vient de faire connaître que les forces du sultan ont dépassé Biledjik (appelé actuellement Bir), et y ont fait quelques fortifications. Son altesse, après avoir donné ordre à nos régimens cantonnés en Syrie de marcher vers Alep, allait se rendre en personne dans cette ville.

    « Son altesse le vice-roi, ayant jugé que cette conduite de la Porte devait avoir pour but de faire tomber la faute sur vous, a écrit à son altesse le généralissime