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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

« L’article 2 de ce traité, qui abolit virtuellement tous les monopoles, sera exécuté par tout l’empire, nommément en Égypte. De deux choses l’une, s’est-on dit à Constantinople : ou Méhémet-Ali sera obligé de renoncer à la moitié de son budget de recettes, procuré par les monopoles, et verra par conséquent sa puissance détruite ; ou bien il refusera d’exécuter ce traité, et, si l’Angleterre y tient, elle se trouvera dans la nécessité de contraindre le pacha à s’y soumettre. »

Faut-il prouver que le traité de commerce n’était, dans la pensée des parties contractantes, qu’un moyen d’agression contre le pacha d’Égypte, une machine de guerre déguisée ? Reschid-Pacha nous apprend encore que, « si le vice-roi d’Égypte se soumet au traité et s’il ne donne aucun prétexte à des mesures coërcitives, le sultan se croira trompé par ses propres ministres ainsi que par l’Angleterre, et qu’il se jettera dans les bras de la Russie. » En effet, au mois de novembre 1838, la soumission du pacha ayant déjoué les espérances que l’on avait conçues, l’ambassade russe recouvrait toute son influence et proposait au sultan de renouveler le traité d’Unkiar-Skelessi. Mais, comme il fallait sauver les apparences, M. de Boutenieff conseillait d’accorder à Méhémet-Ali l’hérédité de l’Égypte, à la condition du retour immédiat de la Syrie sous la domination directe de Mahmoud II. C’était, à peu de chose près, le traité du 15 juillet.

Le caractère impétueux du sultan ne s’accommodait d’aucune transaction. Les projets et les préparatifs de guerre furent repris et poussés avec une grande vigueur. Au commencement de 1839, le divan ordonna une levée de quatre-vingt mille hommes. En même temps Mahmoud adressait au grand conseil le message suivant : « Hafiz-Pacha me fait savoir que mon armée peut battre l’armée égyptienne en Syrie. Le capitan-pacha me fait savoir que ma flotte est assez forte pour vaincre et pour détruire la flotte égyptienne. Il vous reste à être braves et à faire votre devoir. »

Les dispositions de la Porte ne furent pas combattues à Constantinople par tous les ambassadeurs des puissances européennes. Lord Ponsonby en particulier se bornait à conseiller au sultan[1] « de ne rien précipiter, d’être prudent, et de différer les hostilités jusqu’au dernier moment. » Ou bien, voyant la détermination de la Porte irrévocable, il exprimait le vœu « qu’elle eût pris les meilleurs moyens d’assurer le succès. » Les autres cabinets, au contraire, effrayés à

  1. Dépêches de lord Ponsonby, 27 avril, 6 avril, 8 février, et surtout du 22 mai 1838.