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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

La dépêche que l’on vient de lire donnait peut-être au pacha des espérances que le cabinet de Londres se réservait de réprimer au moment opportun ; M. Campbell avait promis plus que lord Palmerston ne se proposait de tenir. Mais, sans aller au-delà des inductions qu’autorise bien légitimement le langage du colonel Campbell, on peut affirmer qu’en 1838, comme en 1834, l’Angleterre adhérait encore, avec le reste de l’Europe, à la politique du statu quo.

Enfin, et quelque temps avant la bataille de Nézib, la politique du cabinet anglais n’avait pas changé ; car il joignait ostensiblement ses efforts à ceux des autres puissances pour détourner la Porte de reprendre les hostilités. Après avoir menacé le pacha d’Égypte, en 1838[1], de prendre parti pour le sultan, dans le cas où Méhémet-Ali persisterait à se déclarer indépendant, lord Palmerston menaçait le sultan de l’abandonner à sa destinée dans le cas où ce serait la Porte qui troublerait la paix. Cette dépêche, il est vrai, paraît le dernier effort d’une vertu expirante. Au-delà commencent les intrigues qui ont amené le traité du 15 juillet. Il importe donc de marquer la date et de produire le texte. Lord Palmerston écrivait le 15 mars 1839 à lord Ponsonby :

« Le gouvernement de sa majesté approuve le langage que vous avez tenu au sultan, en l’invitant à ne pas se compromettre (to avoid committing himself in any way), de quelque manière que ce soit, pour le moment. J’enjoins à votre excellence de faire sentir au sultan, dans les termes les plus vifs, que, si la Grande-Bretagne est déterminée à l’assister dans sa résistance à une agression venant de Méhémet-Ali, la question changerait de face dans le cas où le sultan prendrait l’initiative du conflit. »

Au reste, l’opinion du gouvernement anglais à cette époque, je parle toujours de l’opinion ostensible, de celle que l’on avoue, se trouve constatée par un document officiel, qui n’est pas le fait le moins grave de ces négociations. Lord Palmerston pouvait se contenter de donner des conseils de modération à la Porte ; il fit plus, et, pour mettre un terme aux inquiétudes que lui donnait la puissance croissante de Méhémet-Ali, il proposa une alliance défensive et un plan d’opérations pour les flottes combinées de la Grande-Bretagne et de la Turquie. Voici le texte de ce projet, qui était jusqu’ici demeuré secret[2].

  1. Dépêche de lord Palmerston au colonel Campbell, 7 juillet 1838.
  2. Cette traduction est faite sur une traduction turque envoyée de Londres par