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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

tel refus au gouvernement britannique, et sur les conséquences qui s’ensuivraient immédiatement.

« En conseillant donc à votre altesse d’accepter promptement les conditions honorables et avantageuses qui vous ont été accordées, je vous presse d’adopter le parti le plus utile à vos intérêts et à ceux de son altesse le pacha d’Égypte. »

Voilà certes un langage péremptoire, et il faut bien qu’Ibrahim-Pacha l’ait jugé tel pour avoir dit à M. de Varennes, qui le pressait de répondre : « Ma retraite est la meilleure réponse que je puisse donner au ministre anglais. »

À la vérité, M. Mandeville se défend, dans une dépêche postérieure[1], dont lord Palmerston s’est prévalu devant la chambre des communes, d’avoir garanti à Méhémet-Ali, au nom de la Grande-Bretagne, la possession de la Syrie ; mais cette garantie résulte évidemment de l’intervention de l’Angleterre dans les négociations qui ont abouti à l’arrangement de Kutaya. La Porte n’a demandé aux représentans de la France et de l’Angleterre d’interposer leur influence que parce qu’elle savait bien qu’Ibrahim n’ajouterait pas foi à sa parole, et qu’elle avait besoin d’une puissante caution. Ibrahim lui-même se serait-il arrêté sans la crainte que lui inspiraient les représentations de l’Europe ? La France lui déclarait qu’en résistant aux propositions de la Porte, il encourrait son déplaisir ; l’Angleterre allait plus loin, et lui faisait entendre qu’il s’exposait à des mesures coërcitives de sa part. Quand on a pressé la conclusion d’un arrangement jusqu’à employer la menace, ne devient-on pas responsable de l’inexécution ? En déterminant la soumission du pacha aux propositions de la Porte, l’Angleterre ne s’engageait-elle pas à faire respecter, de part et d’autre, les termes qu’elle-même avait posés ?

Dans la même dépêche, M. Mandeville rapporte une circonstance qui mérite d’être notée. La Porte avait prié le ministre anglais de faire savoir à Ibrahim qu’elle consentait à céder encore Adana. M. Mandeville refuse de servir d’intermédiaire à cette proposition, et voici la raison qu’il donne de son refus :

« Il devenait évident, par cette ouverture, que l’objet du reiss-effendi était de s’autoriser de mon adhésion pour la cession d’Adana, à laquelle je m’étais toujours opposé. Et la Porte ayant déjà pris son parti, quant au sacrifice de ce territoire, il était clair que l’on n’avait d’autre but, en sollicitant mon intervention, que de me faire sanctionner l’arrangement. En conséquence, je

  1. M. Mandeville à lord Palmerston, Therapia, 14 avril 1833.