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REVUE. — CHRONIQUE.

vernement se croit-il en mesure de vaincre ces résistances ? en aurait-il les moyens, le courage ? le moment lui paraît-il opportun ? Il y a là une question politique qui a plus d’une ramification, qui touche à plus d’un intérêt et qui mérite la plus sérieuse attention.

Notre association commerciale avec la Belgique entraînerait nécessairement l’adoption dans ce pays de nos lois et règlemens fiscaux relatifs aux monopoles, en particulier à celui du tabac. Nous ne pourrions certes pas compromettre une des principales ressources de notre budget. La Belgique accepterait donc notre système. Cela se conçoit facilement. La Belgique le connaît : il n’y a pas long-temps qu’elle a cessé d’être française. Toutefois l’exécution de la mesure ne serait pas aisée. Qui garderait les frontières belges contre l’invasion du tabac étranger ? La France confierait-elle un intérêt si capital pour ses finances à une inspection étrangère, ou bien la Belgique recevrait-elle des douaniers français ?

En présence de ces difficultés, il est à présumer que le cabinet n’osera pas présenter aux chambres un projet d’association commerciale. Il rendra sa tâche un peu moins scabreuse en se bornant à un traité de commerce. Ce traité lui-même rencontrera de violentes oppositions. Les producteurs privilégiés jetteront les hauts cris ; et les Belges ne voudraient pas du traité s’il n’était pas de nature à faire jeter les hauts cris à nos fabricans de fer et de toile. Pour dire notre pensée toute entière, nous sommes convaincus qu’après avoir beaucoup discuté, beaucoup négocié, le ministère finira par ne rien conclure du tout. À mesure que la session approche, il sentira son zèle se refroidir. N’oublions pas qu’avec la session arrive aussi en perspective la question des élections générales. À coup sûr le ministère ne l’oublie pas.

Depuis quelques jours, il n’est question que de nominations et de promotions, surtout dans l’ordre judiciaire et dans notre diplomatie. On a dit que le cabinet a partagé avec la Providence le soin de nos affaires, qu’il se réserve les personnes et lui laisse les choses. Il ne faudrait pas se plaindre du partage : Dieu protège la France. Sérieusement parlant, nous n’avons rien à dire sur les choix connus. Toute question de personnes nous répugne, et d’ailleurs parmi les élus il en est plus d’un que nous connaissons et dont nous ne pourrions qu’approuver le choix et l’avancement Nous applaudirions surtout à la nomination de deux conseillers d’état, nomination dont la presse parle aujourd’hui. Ce serait un acte de justice et de bon goût.

Deux remarques générales peuvent frapper dans ces nominations. L’une, c’est le contingent fort considérable, il est vrai, qu’on a pris parmi les députés. Il est impossible de ne pas y apercevoir une pensée politique, un moyen de stratégie parlementaire. D’un autre côté, nous reconnaissons sans peine combien il serait fâcheux qu’un député capable ne pût être nommé ou promu à des fonctions publiques, que la députation le frappât d’incapacité. On peut ajouter qu’après tout, le pays juge la question dans chaque cas particulier, le député nommé devant se présenter de nouveau devant ses électeurs. S’il est réélu, ne peut-on pas dire que la nomination est justifiée ? Ces considérations, quelque