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DES PARTIS EN FRANCE.

comprendraient pas seraient des hommes aveugles ou de mauvais citoyens.

En résumé, la situation nouvelle du pays, comme l’état déjà ancien des partis, le besoin d’opposer aux tentatives de désorganisation sociale toutes les forces constitutionnelles, comme la nécessité d’assurer au pouvoir parlementaire le point d’appui qui lui manque ; l’intérêt de l’ordre et de la liberté au dedans, de la dignité et de la puissance nationale au dehors, tout se réunit pour concilier, pour commander la solution que j’indique. Et qu’on ne croie pas qu’une telle solution soit, dans l’histoire des gouvernemens représentatifs, quelque chose d’extraordinaire et d’irrégulier. L’état habituel du gouvernement représentatif, c’est, sans doute, l’existence parallèle d’un parti libéral et d’un parti conservateur, qui, au lieu de se confondre, se succèdent au pouvoir et se contiennent mutuellement ; mais il est dans les pays les mieux constitués des époques de transition où les lignes se rompent, où les rangs se mêlent et où, pour arriver à un nouveau classement, il faut de grands efforts et de longs tâtonnemens. J’en citerai un exemple récent et éclatant. En 1826, avant la mort de lord Liverpool, il s’était fait, en Angleterre, au sein des vieux partis, un travail latent qui les avait obscurément minés et décomposés. Dans les chambres et hors des chambres, l’opposition whig, le ministère tory, se livraient encore leurs combats habituels et se servaient de leur langage accoutumé ; mais, parmi les whigs comme parmi les tories, il s’opérait un double mouvement, l’un de séparation dans chaque parti, l’autre de rapprochement entre les membres modérés des deux partis. Le jour où lord Liverpool mourut, ce mouvement éclata, et, sous la direction d’abord de l’illustre Canning, puis après lui de lord Goderich, un parti intermédiaire se forma, qui écrivit sur son drapeau le mot de transaction, et entreprit de gouverner contre les opinions extrêmes des deux côtés. Cette entreprise, comme il fallait s’y attendre, fut vivement blâmée, violemment attaquée, et réunit contre elle une double opposition : Elle résultait pourtant si bien de la force des choses et de la situation des esprits, que le jour où la faiblesse de lord Goderich rendit le pouvoir aux tories, le duc de Wellington lui-même ne put s’empêcher de la suivre. Pendant presque toute la durée de son ministère, il eut donc contre lui, comme M. Canning, comme lord Goderich, deux oppositions, l’une libérale, l’autre conservatrice. Il ne fallut rien moins, pour mettre fin à cette situation, que le bruit et le contre-coup d’une grande révolution.