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seurs de l’ordre, il y a lassitude et froideur. Loin de rendre aux partis leur excitation par d’imprudens défis, il faut alors, par une conduite prudente et mesurée, achever de les calmer et de les désarmer. Loin de mécontenter les jurés, les gardes nationaux, les magistrats municipaux, en leur demandant des efforts hors de proportion avec leurs sentimens, il faut les ménager, et réserver leur action pour le jour du danger. Il faut surtout se garder d’inventer soi-même des causes de désordre et d’agitation, et de les lancer comme à plaisir au milieu du pays. Gouverner doucement, paisiblement, à petit bruit, tel est, quand les esprits sont dans cet état, le meilleur plan de conduite. Or, c’est ce plan de conduite qu’avait adopté à l’intérieur le ministère du 1er mars, et que le ministère du 29 octobre a répudié.

Je désire qu’on ne se méprenne pas sur ma pensée. Je suis loin de croire que le pouvoir doive désormais regarder faire et se contenter, quand l’ordre matériel est troublé, de le rétablir à coups de fusil. Mais je vois dans ce qui se passe depuis six mois la preuve incontestable que, pour rendre le repos au pays, les procès nombreux et les circulaires menaçantes sont aussi impuissans que les coups de fusil ; j’y vois aussi la preuve que, si la faiblesse perd les gouvernemens, il existe en revanche une certaine irritation obstinée et tracassière qui ne les sauve pas. Qui ne gémit, par exemple, de voir la royauté imprudemment traînée dans l’arène judiciaire, et venant en quelque sorte partager avec les accusés toutes les anxiétés, toutes les vicissitudes de procès sans cesse répétés ? Qui ne sent qu’à tout prendre, il y a là pour elle un danger mille fois plus grand que celui de quelques articles souvent inaperçus le jour de leur publication, ou dès le lendemain oubliés ?

Maintenant, si je connais un peu la chambre, je reste persuadé qu’entre les deux politiques dont je viens d’indiquer les principaux traits, la majorité n’hésite pas. Je reste persuadé que, dans le parti conservateur, beaucoup blâment la politique irritante, tracassière, obstinée, dont quelques écrivains et quelques administrateurs se partagent aujourd’hui la théorie et la pratique. Je reste persuadé que, si, sans paraître infidèles à leur parti, le moyen leur en était offert, ils concourraient avec joie à faire prévaloir une politique différente. Or, une telle politique ne peut guère prévaloir et réussir que sous une majorité et sous un ministère de transaction. Je vais expliquer pourquoi.

Ce que les partis disent tous les jours avec plus ou moins d’à-propos, avec plus ou moins de vérité, finit par produire peu d’effet, et