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DES PARTIS EN FRANCE.

grave à déchirer de sa propre main le drapeau sous lequel on avait combattu, à briser le cadre où l’on était volontairement entré ; mais l’évènement a prononcé, et du vieux système de résistance aussi bien que des vieux cadres il ne reste plus aujourd’hui que des débris. Pense-t-on qu’il soit possible et utile de réunir et de remettre sur pied ces débris ? Pense-t-on que l’on puisse ainsi faire en 1841 ce qu’on n’a pu faire en 1837 avant l’amnistie, avant la coalition ? Pense-t-on, en un mot, que, pour gouverner et pour pacifier le pays, il soit bon de tendre la corde comme on a dû la tendre jadis, et d’user jusqu’à la dernière extrémité de ses droits et de ses armes ?

Il n’entre point dans mon plan d’examiner en ce moment les questions dont s’occupe toute la France. Il est pourtant un double fait qu’il importe de constater. De mars à octobre 1840, il y a eu dans le pays des causes très graves de désordre et d’agitation : la cherté des grains, des coalitions formidables d’ouvriers, enfin le traité du 15 juillet et l’émotion si naturelle, si légitime que le pays en ressentait. Tout cependant s’est terminé sans troubles sérieux et sans que le sang coulât. Quelques banquets, quelques promenades, quelques chants patriotiques dans les théâtres et dans les rues, voilà, en définitive, à quoi l’agitation s’est réduite.

De mars à octobre 1841, au contraire, pas un évènement extérieur ou intérieur n’est venu, en dehors des actes du pouvoir, compromettre l’ordre et la paix. Cependant jamais, de l’aveu même des organes ministériels, le pays n’avait été plus profondément agité, la royauté exposée à plus d’outrages, l’ordre troublé par des attentats plus audacieux, la société menacée jusque dans ses fondemens par des doctrines plus perverses. D’où vient cela ? Le hasard seul doit-il être accusé, ou bien n’est-ce entre les deux ministères du 1er mars et du 29 octobre qu’une question d’habileté ? Pour moi, je crois peu au hasard, et je sais qu’à d’autres époques les ministres du 29 octobre ont donné des preuves d’habileté. C’est donc ailleurs, c’est plus profondément que je cherche la vraie cause de leur échec et du succès de leurs prédécesseurs. Cette cause, la voici, selon moi :

Il y a des momens, je le crois, où l’ordre ne peut être sauvé que par un grand déploiement de forces et par une infatigable répression. Ce sont les momens où ceux qui l’attaquent, aussi bien que ceux qui le défendent, sont pleins d’ardeur et de colère. Il y a d’autres momens, au contraire, où l’ordre ne peut être maintenu qu’au moyen d’une modération soutenue et d’habiles ménagemens. Ce sont ces momens où parmi les adversaires, comme parmi les défen-