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Voilà un programme, en un mot, qui, pour les hommes éclairés et modérés de tous les partis, offre une occasion toute naturelle d’unir leurs efforts et de fonder leur alliance sur quelque chose de positif et de réel. Croit-on que, dans l’état actuel des partis et de la chambre, un tel résultat soit à dédaigner ?

Ainsi, à l’extérieur, une politique calme et prudente, mais digne, ferme, bien pénétrée des pertes de tout genre qu’a subies la France, et bien déterminée à réparer ces pertes à la première occasion ; à l’intérieur une réforme parlementaire modérée en ce qui concerne les fonctionnaires députés, l’adjonction aux listes électorales de certaines professions libérales qui supposent à la fois indépendance et capacité ; enfin une nouvelle définition de l’attentat qui fixe plus positivement la compétence de la chambre des pairs en matière de presse : telles sont les conditions auxquelles je crois la transaction praticable et facile ; tel est le drapeau que je voudrais voir arborer dans la chambre par les hommes que leurs antécédens placent naturellement à la tête de la nouvelle majorité. Une fois ces conditions arrêtées et ce drapeau déployé, n’est-il pas évident que les partis sortiraient de la confusion actuelle pour se classer et pour s’organiser ? Ce qui fait cette confusion, ce qui empêche ce classement et cette organisation, c’est que personne, à vrai dire, ne sait bien où il va ni ce qu’il veut ; c’est que personne ne sait aussi jusqu’à quel point et pour combien de temps il peut compter sur ceux dont il se trouve l’allié. On est de tel parti parce qu’on a de l’affection pour tel homme politique ou de la répugnance pour tel autre. Puis, comme, dans ce temps, l’affection et la répugnance sont assez mobiles, on passe d’un camp à l’autre sans scrupule et sans hésitation. Cela serait moins facile si dans chaque camp il y avait quelques idées claires à réaliser, un but précis à atteindre.

Est-ce tout pourtant ? et pour former, pour maintenir la majorité que je désire, suffit-il de trois ou quatre réformes législatives ? Certainement non. La réforme des lois est dans la vie des peuples quelque chose d’important ; mais il y a quelque chose de plus important encore, la manière d’appliquer les lois existantes, et, pour tout exprimer en un seul mot, la conduite. Eh bien ! là encore je suis convaincu qu’il est aisé de se mettre d’accord. Je suis de ceux qui ont tenu le plus long-temps au vieux système de résistance comme à la vieille classification des partis. Dans mon opinion, il y avait inconvénient

    entre les réformes que l’on peut préparer pour l’avenir et celles qui sont immédiatement réalisables. Or, les seules qu’il plaçât dans cette dernière catégorie sont précisément celles dont je viens de parler.