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DES PARTIS EN FRANCE.

Pour ne parler que de l’article principal, de celui qui a excité toujours d’honorables scrupules et de vives réclamations, il est hors de doute, selon moi, que des attentats peuvent être commis par la voie de la presse, et que dès-lors ils sont, comme tous les autres attentats, justiciables de la cour des pairs. Et, cependant, je le reconnais, dans la rédaction de la loi, il y a quelque chose d’arbitraire et de vague. Quand, en 1835, ce défaut nous a été signalé par l’opposition, nous avons cru répondre en disant qu’après tout la cour des pairs restait maîtresse de sa compétence, et qu’elle pourrait toujours s’affranchir d’un procès injuste ou ridicule. Eh bien ! l’expérience l’a prouvé, cette réponse ne valait rien. Une fois la chambre des pairs saisie, la question judiciaire disparaît devant la question politique, et la question d’incompétence devant la question de ministère. Il y a là pour les pairs, pénétrés de leur devoir, une pénible alternative à laquelle il convient peu de les soumettre. Qui ne se souvient de ce qui s’est passé lors du procès Laity ? Dans l’écrit incriminé, il n’y avait certes pas un attentat caractérisé, et beaucoup de pairs en étaient convaincus. Cependant on leur fit entendre qu’en se déclarant incompétens, ils renversaient le ministère, et, dans les circonstances où l’on se trouvait alors, ils n’osèrent prendre une si grande responsabilité.

Assurément cela est grave et mérite toute l’attention des hommes politiques et des jurisconsultes. La révision de l’article relatif à l’attentat a d’ailleurs été promise, le lendemain des élections, par tous les ministres qui, jusqu’au 29 octobre, ont pris place au conseil. Plusieurs des ministres du 29 octobre eux-mêmes ont pris à cet égard des engagemens que sans doute ils tiendront à honneur de remplir. La question de l’attentat est donc aussi une de celles qui peuvent et doivent réunir dans la chambre une majorité certaine.

Je m’en tiens à ces trois réformes, non que d’autres ne puissent s’y joindre, mais parce que plus que d’autres elles me paraissent mûres et acceptées par l’opinion. Voilà donc un programme qui n’est point le résultat d’un jeu arbitraire de l’esprit ou d’un caprice momentané, mais de plusieurs années d’étude et d’un besoin bien senti. Voilà un programme dont aucun article n’est de nature à blesser ou à effrayer la portion libérale de la droite, et dont la portion conservatrice de la gauche semble disposée à se contenter en ce moment[1].

  1. J’en ai pour preuve trois articles remarquables d’un des hommes les plus éclairés de la gauche, M. Gustave de Beaumont, insérés, il y a quelques mois, dans le Siècle. Dans ces articles, M. de Beaumont établissait une distinction fort juste