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Cette anomalie, il faut le reconnaître, est l’œuvre du hasard plus que du législateur. La loi électorale de 1831 adjoignait à la liste électorale un certain nombre de professions libérales, celles à peu près qui figurent aujourd’hui sur la liste du jury. Par un concours de circonstances singulières, une des catégories fut rejetée, et presque toutes les autres tombèrent ensuite par de justes représailles. Deux des catégories pourtant restèrent debout, comme témoignage de la pensée véritable du législateur, comme indice de la lacune qui restait à combler.

Les faits ainsi rétablis, qui peut s’opposer sérieusement, sensément, à ce que la lacune soit comblée, et la méprise de 1831 réparée ? Je sais que, depuis cette époque, nous avons fait du chemin, et qu’une loi, présentée en 1831, par M. de Montalivet, paraît à certains conservateurs de 1841 anarchique et presque factieuse. Cependant j’ai la certitude que beaucoup d’entre eux ne sont pas de cet avis. Beaucoup, en effet, ne s’en sont-ils pas expliqués, soit dans leurs circulaires électorales, soit même à la tribune ? Beaucoup ne s’en expliquent-ils pas encore chaque jour dans leurs conversations ? À vrai dire, il n’y a contre cette réforme qu’un argument spécieux, c’est qu’elle est sans grande importance, et que pour si peu ce n’est pas la peine de remettre la loi électorale en question. Mais on doit savoir que dans le gouvernement représentatif, une fois constitué, les grandes réformes sont toujours l’exception. Refuser les grandes réformes parce qu’il en résulterait un bouleversement permanent dans les institutions, et les petites parce qu’elles ne les modifient pas assez profondément, c’est une vraie dérision.

Là encore je vois donc un terrain où, le plus facilement du monde et sans nul sacrifice, la portion libérale du parti conservateur et la portion conservatrice du parti libéral peuvent se rencontrer et s’entendre. Il y aura sans doute cette différence, que parmi les nouveaux alliés, les uns iront jusqu’au bout de leur opinion, tandis que les autres feront leurs réserves. Mais qu’importe ? N’est-ce pas ainsi que les choses se passent toujours, dans tous les pays et dans tous les partis ? De quelques élémens qu’un parti se compose, ce parti a toujours sa droite, sa gauche et son centre. Tout ce qu’on peut demander, c’est que ces trois fractions ne représentent que des degrés divers de la même opinion.

Quand je songe aux lois de septembre, j’éprouve, je l’avoue, plus d’inquiétude et de perplexité. À mon sens, ces lois sont bonnes, sinon dans tous leurs détails, du moins dans leur ensemble et leur esprit.