Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/495

Cette page a été validée par deux contributeurs.
491
DES PARTIS EN FRANCE.

mette une complète guérison. Il n’est aucun de ces systèmes, d’un autre côté, qui ne diminue le mal. Dès-lors, si de part et d’autre on ne veut pas montrer trop d’entêtement, la transaction est facile. Encore une fois, ce n’est pas là une de ces réformes hasardées, précipitées, qui inspirent à tout esprit sage et modéré une salutaire défiance. C’est une réforme bien accueillie sur tous les bancs de la chambre, préparée par de longues discussions, et à laquelle plusieurs des ministres actuels avaient eux-mêmes, à une autre époque, donné leur assentiment. S’ils l’ont retiré depuis, ce n’est pas une raison pour que la chambre retire le sien en même temps.

Si la réforme parlementaire, en ce qui concerne les fonctionnaires députés, est arrivée à sa maturité, il en est tout autrement de la réforme électorale. Là encore on ne rencontre que principes et projets non pas dissemblables seulement, mais contradictoires, et qui s’excluent mutuellement. Il existe pourtant un progrès notable et qu’il importe de constater. Il y a quelques années, les partisans de la réforme électorale semblaient tous partir de ce principe, que l’électorat est un droit, et que ce droit doit être reconnu et proclamé même quand l’intérêt momentané de la société en commande la violation. Dans le débat qui s’est engagé depuis trois ans à ce sujet entre la gauche républicaine et la gauche constitutionnelle, celle-ci n’a pas hésité à condamner la théorie de la souveraineté du nombre, et à proclamer que l’électorat n’est point un droit, mais un devoir et une fonction. Elle n’a pas dès-lors hésité à déclarer que la base de toute loi électorale raisonnable est l’indépendance et la capacité.

Malheureusement, l’indépendance et la capacité ne peuvent se démontrer rigoureusement, et c’est par des signes plus ou moins arbitraires et incertains qu’il est possible de les atteindre. Or, il est reconnu que le meilleur de ces signes est une certaine aisance constatée par la possession d’une certaine industrie. Tel est incontestablement le principe de la loi électorale de 1831. Cette loi pourtant est-elle sur tous les points parfaitement fidèle à son principe ? Voici deux frères qui ont partagé également l’héritage de leur père, mais dont l’un a employé sa part à acheter un champ, l’autre à acquérir une charge d’avoué ou de notaire. Le second est aussi indépendant et assurément aussi capable que le premier. Le premier, pourtant, est électeur, le second ne l’est pas. Pourquoi cela ? Si la loi électorale était fondée sur le principe féodal et exclusivement territorial, rien de plus naturel. Mais il n’en est pas ainsi ; que signifie dès-lors une telle anomalie ?