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tique plus ferme, plus digne, plus forte ; parce que nous ne voulons pas que la puissance, l’influence, la renommée de la France, continuent à déchoir, vous dites que nous voulons la guerre, que nous courons à la guerre, et vous cherchez à susciter au cœur des classes modérées et paisibles de honteuses, d’imbécilles frayeurs. Mais cette guerre que vous redoutez tant, c’est votre faiblesse même qui l’infligera un jour à la France. Quand vous aurez cédé partout, sur tout, à la première invitation ou à la première menace ; quand vous aurez perdu successivement toutes les positions que la France avait prises, toutes les influences dont elle s’était fortifiée ; quand, en un mot, à force de reculer, vous aurez d’une part froissé les sentimens nationaux, de l’autre habitué les puissances étrangères à ne plus compter avec vous, il viendra un jour où les puissances étrangères oseront tant, où les sentimens nationaux feront une telle explosion que, malgré vous, la guerre éclatera, une guerre terrible, et dont personne ne peut prévoir les conséquences. Sachez-le bien ; le vrai, le seul moyen de maintenir la paix, c’est de se faire respecter et craindre. Vous ne faites ni l’un ni l’autre, et c’est pour cela que nous vous accusons devant la chambre et devant le pays. »

Tel était, on s’en souvient, le langage commun de M. Guizot, de M. Duchâtel, de M. Villemain, à l’époque de la coalition, et le pays consulté, on s’en souvient aussi, leur donna pleinement raison. Qui oserait dire que ce qui s’est passé depuis fasse perdre à ce langage quelque chose de sa force et de sa vérité ? Qui oserait dire qu’en 1841 la France soit plus grande, plus puissante, plus respectée qu’en 1838 ? On peut porter sur tel ou tel acte, sur tel ou tel ministre, des jugemens divers. On peut même se rejeter de l’un à l’autre la responsabilité des évènemens si tristement accomplis. On ne peut pas, si l’on a l’esprit droit et le cœur bien placé, refuser de reconnaître les échecs que la France a subis et l’abaissement qui en est la conséquence. On ne peut pas s’empêcher de faire des vœux ardens pour que les évènemens qui se préparent lui donnent l’occasion de demander et d’obtenir une juste réparation. Or, qui ne comprend que pour demander, pour obtenir cette réparation, la première condition est d’en sentir le besoin ? Qui ne comprend que, si la situation actuelle doit être modifiée, ce n’est point par ceux qui semblent s’en enorgueillir et s’y complaire ?

La question ainsi posée, ainsi circonscrite, ainsi dégagée de tout ce qui la compliquait l’an dernier, je ne puis, malgré des votes que je regrette, croire que la majorité de 1839 oublie complètement son