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DES PARTIS EN FRANCE.

résolutions, tandis que les autres croient que la paix n’est pas le seul bien dont un grand pays doive se montrer jaloux. Il y a donc deux politiques en présence : la première, qui, tout en regardant la guerre comme un malheur, est d’avis que la France peut la faire, et pense qu’entre nations comme entre individus, il faut quelquefois, si l’on veut être respecté, mettre son droit sous la protection de sa force ; la seconde, qui, uniquement préoccupée des bienfaits et des douceurs de la paix, n’admet pas que, hors le cas d’attaque violente et directe, il soit permis d’en compromettre la durée. Comme chacune de ces deux politiques a son idée fondamentale, chacune aussi a son langage et ses pratiques. C’est la première qui, l’an dernier, luttait avec courage contre la coalition du 15 juillet 1840, et préparait la France à maintenir par les armes, s’il le fallait, son influence et son honneur. C’est la seconde qui a signé la convention du 13 juillet 1841, et qui, ces jours derniers, déclarait publiquement, avec une singulière bonne foi, que la France, quand elle est mécontente, peut bien mettre la main sur la garde de son épée, mais sans jamais la tirer[1].

Telles sont, tout débat spécial écarté, les deux pensées, les deux tendances, les deux conduites, entre lesquelles la chambre et le pays ont à choisir. Il est, je le sais, des hommes qui, par instinct ou par calcul, refusent d’accepter la question ainsi posée. À les entendre, entre une politique folle, aventureuse, désespérée et la politique actuelle il n’y a pas de milieu, et c’est simplement, absolument pour la guerre ou pour la paix que nous avons tous à voter. Quand on leur parle de la puissance de la France qui décline, de son influence qui périt, de sa renommée qui tombe, ils n’ont qu’un mot à répondre : « La guerre !… voulez-vous la guerre ? Si vous ne voulez pas la guerre… courbez la tête et soumettez-vous. » Avec ce seul mot ils excusent tout, ils justifient tout, ils se tirent de tout.

À ceux qui exploitent ainsi la crainte de la guerre, je ne sais ce que le ministère du 29 octobre serait en humeur ou en mesure de répondre ; mais je sais ce que leur répondaient, il y a trois ans, les membres principaux de ce ministère, M. Guizot notamment. « Parce que nous demandons pour notre pays, leur disaient-ils, une poli-

  1. « L’Europe a été rassurée et avertie, rassurée par l’évidence de nos intentions pacifiques et par le loyal accord de notre conduite et de nos intentions, avertie que la France ne se laisserait jamais traîner à la suite d’une politique autre que la sienne, qu’elle saurait, sans faire la guerre, se séparer nettement de ce qu’elle n’approuverait pas. » (Discours prononcé à Lisieux, le 22 août 1841, par M. le ministre des affaires étrangères.)