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DES PARTIS EN FRANCE.

Le ministère du 15 avril avait donc débuté dans la voie de la transaction par un pas énorme, et qui laissait bien loin derrière lui le ministère du 22 février. Pourquoi le 15 avril ne réussit-il pas en définitive, et se vit-il bientôt attaqué avec ardeur par ceux-là même auxquels il avait tant accordé ? Cela s’explique par plusieurs raisons ; j’en signalerai une seule, la plus importante selon moi. L’amnistie avait tout d’un coup vidé la question si long-temps débattue du système de résistance ; mais derrière cette question il y en avait une foule d’autres relatives à la politique extérieure et intérieure. Or, sur ces questions long-temps ajournées, mais qui reprenaient leur importance, l’opinion du chef du cabinet du 15 avril différait radicalement de celle de ses nouveaux alliés. Sur ces questions, au contraire, il existait une certaine analogie entre les idées de la gauche et celles des défenseurs les plus persévérans du système de résistance, de ceux qui, sous le ministère du 6 septembre, avaient livré pour ce système une dernière bataille. À mesure que le souvenir de l’amnistie s’éloignait, il s’opérait donc d’un côté une séparation, de l’autre un rapprochement naturel et légitime. Encore une fois, depuis la chute du 11 octobre, depuis l’échec du 6 septembre, depuis l’amnistie surtout, les vieux partis étaient en poussière, et chacun restait libre de choisir, et de contracter à son gré de nouveaux mariages de raison ou d’inclination. J’ajoute qu’à droite, au centre, à gauche, tout le monde s’en occupait également, tant l’éparpillement et la confusion parlementaires paraissaient regrettables et fâcheux à toutes les opinions.

C’est de ce mouvement général que sortit l’appel le plus hardi, le plus sérieux qui ait été fait à la transaction. Je veux parler de la coalition. J’ai pris peut-être à cet évènement une part trop directe et trop active pour qu’il me soit possible de la juger avec une parfaite impartialité. Quand tant de ceux qui y sont entrés comme moi l’abandonnent et la renient, je veux dire pourtant que, sans me dissimuler ses fautes et ses échecs, j’y persiste plus que jamais. Assurément ce n’est point aujourd’hui, après ce qui s’est passé, que je voudrais garantir la sincérité, le désintéressement de tous ceux qui en faisaient partie. Mais c’était, je le crois toujours, une grande et salutaire pensée que celle d’en finir avec les vieilles querelles, et de faire concourir au rétablissement de la puissance nationale au dehors, des principes constitutionnels au dedans, toutes les opinions nationales et constitutionnelles. C’était une grande et salutaire pensée aussi que celle de réunir des hommes d’état trop long-temps divisés, et de rendre au gouvernement la base large et solide qu’il a perdue. Devant