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tique de ce ministère, il avait à lutter dans la chambre et hors de la chambre contre l’opposition systématique de M. Duchâtel et de quelques-uns de ses amis. Il y avait dès-lors, dans le parti doctrinaire, deux drapeaux et deux camps.

On peut dire à la vérité que depuis le 29 octobre un de ces deux camps a reconquis l’armée presque entière, et que, malgré quatre ou cinq défections plus ou moins importantes, le parti doctrinaire a repris son ancienne unité, son ancienne cohésion. Rien n’est plus faux. Parmi les doctrinaires ralliés au ministère, il en est qui très consciencieusement, très sincèrement déplorent la part qu’ils ont prise à la coalition, et n’ont d’autre pensée que d’en effacer le souvenir. Il en est qui ont conservé pour la politique du 15 avril les sentimens de 1838, et qui croient de bonne foi pratiquer aujourd’hui une tout autre politique. Il en est enfin qui, sans avoir la contrition des premiers, ni les illusions des derniers, se laissent entraîner par l’autorité bien naturelle de leur ancien chef, et gémissent tout bas des votes qu’on leur demande. Est-ce là le vieux parti doctrinaire ? et ceux qui ont été forcés de s’en séparer n’ont-ils pas le droit de dire que le parti n’existe plus ?

Je passe maintenant d’un côté de la chambre à l’autre, et j’arrive au centre gauche.

Pendant quelques années, on le sait, le centre gauche a joui d’une grande faveur. « La France est centre gauche, » avait dit un orateur de l’opposition dans un jour de politesse, et ce mot, relevé et commenté, devint en quelque sorte le mot d’ordre du parti. C’était une prétention un peu ambitieuse et que l’évènement n’a pas justifiée. Il faut reconnaître pourtant que pendant long-temps le centre gauche eut dans la chambre et dans le pays une grande force d’attraction. Dès 1835, en s’opposant à quelques conséquences peut-être exagérées du système de résistance, il avait acquis beaucoup de consistance et de popularité. En 1836, M. Thiers vint lui apporter ce qu’il y a de fécond dans son esprit, de pratique dans sa conduite, de large et d’élevé dans ses idées. De plus, ce parti enleva à la gauche, vers la même époque, un député d’une grande valeur, M. Dufaure, de sorte qu’on le vit se recruter des deux côtés, et parmi les premières illustrations de la chambre. En 1837, le ministère, qui, pour vivre, avait besoin de lui, lui fit de tendres avances, et prit en quelque sorte son drapeau. Aux élections de la même année enfin, il eut l’avantage de voir presque tous les candidats nouveaux adopter son programme