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DES PARTIS EN FRANCE.

de marcher toujours d’accord, et, pour y parvenir, il n’était pas de sacrifice qui leur coûtât. Ils réservaient donc pour l’intimité les dissidences qui quelquefois déjà venaient troubler leur union, et n’en laissaient rien apparaître au dehors. Une fois une résolution prise par leurs chefs et approuvée par la majorité d’entre eux, ils s’y ralliaient tous, et, le moment venu, ne reculaient jamais.

Cette heureuse, cette salutaire harmonie se maintint jusqu’à la chute du 11 octobre. Elle reçut un échec grave à la formation du 6 septembre, quand les deux chefs reconnus du parti doctrinaire se séparèrent, et que l’un rentra sans l’autre au pouvoir. Ce fut une faute énorme, une faute dont aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais, le parti doctrinaire subit les tristes conséquences. Quoi qu’il en soit, la chute du 6 septembre et la longue durée du 15 avril rendirent au parti doctrinaire son ancienne unité et son action commune. Après quelques hésitations, il passa tout entier dans l’opposition, et devint une des fractions les plus importantes et les plus vives de la coalition. À la chambre des pairs, à la chambre des députés, ses chefs n’hésitèrent pas à lancer de concert contre le cabinet deux accusations également graves, celle d’abaisser et d’humilier la France au dehors, celle de s’écarter au dedans des principes de la constitution, et de laisser périr le gouvernement parlementaire. Dans les élections aussi le parti doctrinaire tout entier s’unit au centre gauche et à la gauche constitutionnelle pour abattre le ministère et pour faire triompher l’opposition. M. Guizot, M. Thiers, M. Barrot, tels étaient alors les trois chefs avoués de la coalition, et aucun de leurs amis ne songeait à les renier.

Ce n’est point le moment de dire les causes qui, à mon profond regret, ont enfin rompu définitivement une si vieille, une si étroite association. Il doit seulement m’être permis de rappeler que, bien peu de jours après la victoire électorale de la coalition, il s’éleva dans le parti doctrinaire de graves dissentimens. La trêve du 12 mai vint rétablir, en apparence du moins, le bon accord, et ceux des doctrinaires qui n’approuvaient pas tout-à-fait cette solution crurent devoir faire à l’union de leur parti le sacrifice de leurs scrupules et de leurs doutes. Mais, sous le 1er mars, d’autres ne jugèrent pas à propos d’agir avec la même prudence, avec la même modération. Tandis que M. le duc de Broglie donnait ouvertement au ministère du 1er mars l’assistance si précieuse de ses conseils et de son influence ; tandis que M. Guizot, ambassadeur à Londres, semblait s’associer à la poli-