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DES PARTIS EN FRANCE.

ministères se sont succédés, qui, un seul jour excepté, ont tous trouvé dans les chambres une majorité sinon confiante et dévouée, du moins suffisante pour qu’ils pussent garder le pouvoir. À partir de ce moment aussi, l’anarchie parlementaire a fait chaque jour des progrès contre lesquels luttent en vain les amis sincères du gouvernement représentatif. Dans diverses circonstances, il s’opéra sans doute, entre des hommes long-temps divisés, quelques rapprochemens, mais qui furent compensés et au-delà par de nouvelles scissions entre des hommes long-temps unis. S’arrêtant aux principales divisions des partis, la désorganisation avait d’abord respecté chacun des groupes dont ces partis se composaient. Bientôt elle pénétra dans ces groupes eux-mêmes, et n’y fit pas moins de ravages. C’est alors que l’on vit les vanités individuelles s’exalter au point de ne plus reconnaître les supériorités les plus évidentes, quelquefois même de ne plus admettre le partage et l’égalité ; c’est alors qu’au lieu d’aspirer au pouvoir pour faire prévaloir ses opinions, on commença, presque à visage découvert, à composer ses opinions pour arriver au pouvoir ; c’est alors aussi que, grace aux haines chaque jour plus nombreuses et plus vives, on put prévoir le moment où il deviendrait impossible de réunir huit hommes de quelque valeur pour en former un cabinet : situation déplorable dont tout le monde gémit, sans que presque personne consente, pour y remédier, à faire le plus léger sacrifice.

Il faut rechercher maintenant ce que sont devenus, dans ce pêle-mêle universel, les divers partis auxquels l’opinion publique donne un nom, et qui ont joué un rôle depuis dix ans. Et d’abord, tout le monde le comprend, pour que ce travail soit sérieux, il ne convient pas de s’en tenir aux grandes divisions de la chambre, à ce qu’il plaît encore d’appeler la majorité et la minorité. Depuis que la chambre a été élue, la majorité et la minorité y ont varié au moins une fois par an dans leurs élémens, dans leurs opinions, dans leur conduite, dans leur langage, et tout annonce qu’une nouvelle variation n’est pas loin. On ne peut donc voir là qu’un assemblage fortuit, passager, mobile, auquel il est absolument impossible d’appliquer le nom de parti. Quand je parle des partis, c’est de ceux qui ont donné signe de vie et dont une certaine durée consacre l’existence. Or, dans l’ordre politique, et indépendamment de quelques sectes qui ne songent à rien moins qu’à refondre la société tout entière, ces partis sont au nombre de six : hors du cercle de la constitution, les légitimistes et les républicains ; dans le cercle de la constitution, la droite, com-