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La colonie était alors dans un état déplorable. Depuis environ cinquante ans, la Hollande avait sacrifié pour elle des troupes superbes et plus de 150 millions de florins (300 millions de francs), sans retirer de tant d’essais difficiles, de tant de luttes opiniâtres, un avantage réel. On m’a dit en Hollande qu’il fut alors sérieusement question d’abandonner cette terre ruineuse. Mais c’est souvent au moment où l’on désespère le plus d’une grande entreprise qu’on est près de recueillir le fruit de ses efforts. La fortune a de ces caprices. Elle met à l’épreuve les nations comme les individus, elle les tient haletans au bout de sa baguette magique, s’amuse de leur impatience, se joue de leur hésitation, et ne couronne que ceux qui persévèrent. Depuis plus de deux siècles, la Hollande cherchait un moyen d’administrer de la manière la plus avantageuse ses possessions indiennes, et le problème si long-temps, si vainement étudié allait être enfin résolu.

En 1830, le général Van der Bosch fut nommé gouverneur de Java. La guerre touchait à sa fin. Les principaux chefs de la rébellion avaient été arrêtés, ou avaient fait volontairement leur soumission, et Diepo Negoro s’était retiré dans les montagnes de Diokiokarta, suivi d’une troupe peu nombreuse. Cependant aussi long-temps que cet homme audacieux était en liberté, on n’osait mettre l’armée sur le pied de paix, et elle se composait encore de plus de trente-cinq mille hommes. Enfin Diepo Negoro fut fait prisonnier, et après cette importante capture l’armée fut licenciée. Cependant il fallait entretenir encore les troupes qui avaient servi sous les ordres des rebelles, et rompre peu à peu leur union afin de prévenir une nouvelle révolte. Il fallait donner à leurs chefs des sommes d’argent considérables pour achever de les soumettre. Enfin il fallait réparer les pertes que les princes fidèles à la cause hollandaise avaient éprouvées pendant cette longue guerre. C’était là une lourde charge pour la Hollande, qui était déjà venue si souvent au secours de la colonie, et tandis qu’elle tâchait de pacifier Java, la révolution éclatait en Belgique.

Le général Van der Bosch eut le bonheur de surmonter toutes les difficultés de sa situation, de faire face avec peu de ressources à toutes les dépenses, et la gloire de rendre utile à son pays une contrée qui, jusque-là, avait été pour les Hollandais une cause perpétuelle d’anxiété.

Ce fut au milieu des discussions de la Belgique avec la Hollande, des récits de bataille dont il écoutait le retentissement dans son île lointaine, qu’il combina son système d’administration. La Providence semblait l’avoir envoyé tout exprès pour donner à la noble patrie des Nassau une nouvelle source de prospérités, au moment où elle