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LA HOLLANDE.

tance de la communauté. Elle prenait pour elle les deux cinquièmes de la récolte, et abandonnait le reste aux cultivateurs. En agissant ainsi, elle espérait pouvoir tout à la fois réaliser un bénéfice considérable et ménager l’intérêt des paysans. L’une de ces prévisions n’était pas mieux fondée que l’autre. Tant que le café se vendit à un prix élevé, les étrangers et surtout les Chinois en prenaient la plus grande part. Les Chinois entraient dans la maison du chef de la communauté l’argent à la main. Ils parlaient la langue du pays, ils savaient par expérience quels étaient les meilleurs moyens à employer pour séduire les Javanais, et cette connaissance, jointe à leur esprit naturellement rusé et subtil, leur donnait un grand avantage sur les Hollandais. Il leur arrivait souvent de tromper les fonctionnaires les plus zélés et d’acheter en entier la récolte de plusieurs villages.

Cette culture du café, qui augmentait si peu les revenus de la Hollande, était en même temps une rude corvée pour les insulaires. Souvent, pour obéir à la volonté de l’administration, il fallait abattre une forêt, défricher un terrain, poursuivre pendant quatre années un labeur pénible avant de recueillir un seul grain de café, et les trois cinquièmes de la récolte, abandonnés aux ouvriers, ne pouvaient, à beaucoup près, compenser tant de peines. Ces malheureux ouvriers étaient d’ailleurs souvent victimes d’une injustice cruelle. C’était le chef du village qui leur assignait leur tâche, qui prenait le fruit de leurs sueurs et le distribuait à son gré. De combien d’actes arbitraires, de combien de cruautés ne se rendait-il pas coupable, sans que l’administration hollandaise fût instruite de ces méfaits et pût les réprimer !

Au bout de l’année, les revenus de l’île n’atteignaient pas le chiffre des dépenses, et toute une population laborieuse, patiente, vraiment digne de pitié, avait été froissée, pressurée, maltraitée, pour enrichir des marchands chinois ou des chefs de village. C’était un système plus dur et plus dangereux que celui du général Daendel ou de l’ancienne compagnie.

En 1823, le prix des denrées coloniales baissa considérablement. L’année suivante, une guerre éclata entre le gouvernement hollandais et un prince puissant. L’administration de Java était si appauvrie, que, pour subvenir à ses dépenses ordinaires et aux frais imprévus occasionnés par cette guerre, elle fut forcée de recourir à l’emprunt. Elle reçut de la maison Palmer et compagnie, de Calcutta, 10 millions de florins, à 9 pour 100 d’intérêt, en lui donnant une hypothèque sur les revenus, sur les propriétés mobilières et immobilières de l’île. Le capital devait être payé en vingt ans, et pour l’amortir peu à peu,