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ces dettes s’élevaient à plus de 84 millions de florins (168 millions de francs). Pendant la guerre de l’Angleterre avec la Hollande, elles augmentèrent bien plus rapidement encore, et en 1791, à l’époque où les commissaires nommés par le gouvernement arrivèrent dans l’île, ils eurent à constater dans les finances de la compagnie un passif de 119,055,675 florins (238,111,350 francs). Les grands évènemens qui survinrent bientôt en Europe, l’invasion, la conquête de la Hollande, les changemens successifs de gouvernement imposés à ce pays, les guerres du nord et du midi, l’empire, le consulat, détournèrent l’attention du bilan de la société de commerce. Elle subsista encore jusqu’en 1808. Alors elle fut dissoute. Le gouvernement hollandais prit lui-même la gestion des colonies et la confia au général Daendel, qui partit immédiatement, très désireux de réformer les abus signalés dans l’enquête de la compagnie. Avant de raconter les résultats de son système, nous devons dire quelle était, lorsqu’il y arriva, l’organisation de Java.

Toute la population indigène de l’île, dispersée dans les villages, était divisée en tiatias ou familles. Chacune de ces familles se composait d’un chef et de plusieurs parens, amis, ouvriers, dépendant de lui. Le nombre des personnes appartenant à cette association variait selon la nature des lieux. Dans quelques districts, il était de quinze ou dix-huit, dans d’autres de vingt ou vingt-deux. Tous les membres de la tiatia travaillaient sous les ordres immédiats ou sous la direction de leur chef, et devaient lui remettre, selon le degré de fécondité de l’année, la moitié ou les deux cinquièmes de leur récolte de riz.

Les princes de l’île avaient droit à un cinquième de la récolte dans toutes les terres soumises à leur autorité. Ils pouvaient échanger ce tribut contre une corvée ; dans ce cas, le chef de la tiatia désignait ceux de ses subordonnés qui devaient travailler pour la famille du prince et les exemptait de leur redevance envers lui-même.

La compagnie hollandaise, en s’emparant de la souveraineté du pays, prit pour elle l’impôt annuel que les Javanais payaient aux descendans de leurs rois. Les fonctionnaires de chaque district étaient chargés d’en régler la quotité dans chaque tiatia et de la recevoir. Dans ce travail annuel de contrôle et de recensement, ils commettaient souvent de graves injustices, ils exerçaient de coupables rigueurs, dont on a fait un amer reproche à la compagnie, qui les ignorait complètement. La compagnie remplaça la corvée irrégulière à laquelle les princes avaient droit, par l’obligation pour chaque tiatia de planter annuellement mille pieds de café, d’en récolter les fruits,