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LA HOLLANDE.

cette île, décidèrent la société à y établir son comptoir principal. Quelques mois après son organisation, elle équipa pour l’Inde quatorze bâtimens et plusieurs yachts. L’amiral Warwick, à qui le commandement de cette flotte fut confié, fonda le comptoir de Batavia, en établit un autre dans les états du roi de Jahor, et fit des traités d’alliance avec plusieurs princes du Bengale. L’année suivante, treize bâtimens, commandés par l’amiral Van der Hagen, partirent du Texel et revinrent, quinze mois après, chargés de denrées précieuses.

Toutes ces tentatives de commerce ne pouvaient cependant se poursuivre qu’à travers de grands obstacles et de nombreux périls. Les Hollandais avaient contre eux les Anglais, les Portugais, les Espagnols et les princes du pays, qui commençaient à comprendre les dangereux projets des Européens. Les bâtimens de la société ne pouvaient s’arrêter sur aucune côte sans courir risque d’y rencontrer une flotte ennemie. En pleine mer, ils engageaient souvent le combat avec les Espagnols, qui les guettaient comme des oiseaux de proie, mais qui s’en retournaient souvent démâtés et criblés de boulets. À Batavia, les Hollandais avaient également de rudes luttes à soutenir ; tantôt c’étaient les insulaires qui voulaient les empêcher de construire une forteresse, tantôt les Portugais et les Anglais qui poursuivaient leurs navires jusque dans la rade. Les riantes et fécondes plaines de l’Inde étaient comme une pâture livrée à la rapacité des Européens ; c’était à qui en prendrait la plus grande part, à qui en éloignerait ses voisins par force ou par ruse.

Malgré ces obstacles sans cesse renaissans, ces attaques continuelles, ces batailles sanglantes, la compagnie hollandaise prospérait et grandissait. Par sa prudence et sa ténacité, elle surmontait les entraves que lui opposaient ses rivaux. Par le courage de ses marins, elle effrayait les flottes de Philippe II, et portait son pavillon victorieux sur toutes les plages. Déjà elle ne se contentait plus d’occuper Java ; elle envahissait les îles Moluques, elle pénétrait dans le golfe de Bengale et s’emparait de l’île de Ceylan, cette île précieuse qui lui a été enlevée par les Anglais ; elle fondait un comptoir au Japon et s’avançait vers la Chine. C’est de Java qu’elle partait pour faire toutes ces conquêtes ; c’était là le point d’appui de ses flottes, le joyau de sa couronne, le champ fécond de son commerce. Batavia devenait peu à peu une grande et belle ville. Une vingtaine d’années après que les Hollandais y eurent établi le siége de leur société, elle faisait l’admiration des peuplades de l’Océanie, des navigateurs européens, et on l’appelait la reine de l’Orient. Les princes de Java, effrayés de cette