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LA HOLLANDE.

la direction. Il devait doubler le cap de Bonne-Espérance, que les Hollandais n’avaient pas encore atteint, recueillir sur les côtes qu’il visiterait tous les documens propres à faciliter le commerce, et il lui était enjoint d’éviter autant que possible les établissemens portugais.

Houtmann accomplit avec courage et habileté la mission dont il s’était chargé. Il reconnut chemin faisant les côtes d’Afrique et du Brésil, relâcha à Madagascar, aux Maldives et aux îles de la Sonde. Arrivé à Java, il se présenta, avec le titre d’amiral, au principal souverain de l’île, et contracta avec lui un traité d’alliance. Les Portugais établis dans le pays ne pouvaient voir sans une violente jalousie cette expédition hollandaise dans des contrées qu’ils avaient eux-mêmes découvertes, et dont ils se croyaient en droit de conserver le monopole. Ils suscitèrent toutes sortes d’entraves à Houtmann et engagèrent avec lui plusieurs luttes à main armée. L’heureux navigateur surmonta tous les obstacles, remporta la victoire sur ses rivaux, et, le 14 août 1597, il ramenait en triomphe ses quatre navires sur la côte de Hollande. Il avait acheté aux îles de la Sonde, à très bon prix, une cargaison de poivre et d’autres épices. Cependant, sous le rapport purement financier, son voyage n’était pas fort avantageux ; mais il avait d’autres résultats plus importans : il tranchait la grande question de commerce jusqu’alors indécise, il ouvrait aux Hollandais la route qu’ils désiraient tant parcourir, et ce qui valait mieux pour l’avenir que la cargaison de poivre et d’épices, c’était un pilote de Surate connaissant très bien les côtes de l’Inde, que Houtmann avait eu l’adresse d’engager à son service et de conduire en Hollande.

Une seconde expédition fut aussitôt résolue. Houtmann partit de nouveau avec une flotte plus nombreuse que la première, aborda à Madagascar, à la Cochinchine et à Sumatra. Le souverain de cette île lui fit d’abord un accueil favorable et lui permit de charger, comme il le désirait, ses navires ; puis, à l’instigation des Portugais, il changea subitement de conduite envers lui et le fit enfermer. Les navires revinrent en Hollande avec une riche cargaison. Houtmann resta en prison. Il fut mis en liberté quelque temps après, mais à la condition de ne jamais revoir son pays. Exilé dans un des districts de l’île, abandonné des siens, et soumis à la rigoureuse surveillance de ceux qui l’avaient fait arrêter, des Portugais qui ne lui pardonnaient pas d’avoir montré à ses compatriotes la route des Indes, le pauvre Houtmann mourut de douleur. Le nom de ce navigateur, qui a tant fait pour la Hollande et auquel la Hollande n’a pas même consacré une pierre funéraire, est un nom de plus à ajouter à ce triste et glo-