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LE DOCTEUR HERBEAU.

dans les émanations des plantes, il retrouvait le parfum de ses blonds cheveux, plus fins que les fils de la Vierge qui flottaient sur l’azur du ciel. Mais ce qu’il retrouvait surtout dans son ame attendrie, c’était le sentiment de pieuse adoration qui, depuis deux ans, faisait le charme de ses jours ; c’était l’amour profond et vrai qu’il nourrissait pour cette belle enfant depuis qu’il l’avait vue s’appuyer sur lui pour essayer de vivre ou pour achever de s’éteindre.

Ainsi rêvant et cheminant, le docteur approchait du château de Riquemont, et déjà il pouvait voir au loin les massifs de verdure sous lesquels se cachait la ferme de Saint-Herblain, quand tout d’un coup, ramené confusément au sentiment de l’heure présente, il s’examina des pieds à la tête, et, reconnaissant la peau de loup ravisseur qu’il avait endossée en partant, il arrêta brusquement Colette, et s’apostrophant lui-même avec indignation :

— Où vas-tu, malheureux ! s’écria-t-il. Quel démon t’agite et te pousse ? Tu vas flétrir la fleur d’amour et de beauté qui, depuis deux ans, embellit ta vie et réjouit ton cœur ! Tu vas immoler à ton orgueil ce qu’avait jusqu’ici respecté ta tendresse ! Ce n’est même pas la passion qui t’égare, c’est la vanité qui t’emporte. Tu veux te venger, malheureux ! mais est-elle coupable des affronts qu’on t’a fait subir, cette adorable enfant dont tu n’as pas craint de méditer la perte ? Ne l’as-tu pas vue sans cesse occupée à t’en adoucir l’amertume ? Tu veux te venger, et c’est là la victime que tu désignes à ta fureur ! Pour satisfaire un transport insensé, tu veux ternir la blancheur de cette ame, souiller la pureté de ce lis ! Ingrat ! c’est le lis qui parfume tes jours, c’est l’ame dont le souffle a rajeuni la tienne !

Il avait penché sa tête sur sa poitrine, comme pour cacher sa honte et ses remords.

— C’est donc là, poursuivit-il le cœur plein de confusion et le front couvert de rougeur, c’est donc là ce docteur Herbeau dont on vante l’honneur et la loyauté ! le bon docteur Herbeau, comme ils disent, qui va visiter ses pauvres ! Hommages usurpés ! menteuse renommée ! le bon docteur Herbeau va séduire l’innocence et déshonorer la vertu !

À ces mots, le brave et digne homme n’y tint plus : deux ruisseaux de larmes inondèrent ses joues et soulagèrent un peu sa conscience. Durant ce temps, Colette, d’abord immobile, avait fait volte-face, comme si elle eût deviné les pensées de son maître, et la noble bête regagnait Saint-Léonard d’un pied joyeux et tête haute.

Cependant, ce premier transport apaisé, Aristide sentit bientôt sa