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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

celle-ci, ramenée par la parole du dieu aux pures sources de l’antiquité classique qui ont toujours été, à elle, ses secrètes amours, exhale ainsi son transport[1] :

Qu’est-ce qu’entends ? donc n’étois si fallotte
Quand proscrivis ces atours maigrelets,
Et qu’au despris[2] de la tourbe ostrogotte
Des revenans, démons et farfadets,
Dressai mon vol aux monts de Thessalie,
Bords de Lesbos et plaines d’Italie !
Là vous connus, Homère, Anacréon,
Cygne en Tibur, doux amant de Corinne !
Là m’enseigna les secrets de Cyprine
Cette Sapho qui brûla pour Phaon.
Dès ce moment m’écriai dans l’ivresse :
« Suis toute à vous, dieux charmans de la Grèce !
Ô du génie invincibles appuis,
Bandeaux heureux de l’Amour et des nuits,
Chars de Vénus, de Phébé, de l’Aurore,
Ailes du Temps et des tyrans des airs,
Trident sacré qui soulèves les mers,
Rien plus que vous mon délire n’implore !… »

Et Apollon, lui répondant, la tempère toutefois et l’avertit du danger :

Trop ne te fie à d’étranges secours ;
Ne quiers d’autrui matière à tes discours ;
Pour guide auras, telle soit ta peinture,
Deux livres seurs, ton cœur et la nature !

Or que dit Chénier (Élégie XVIII) :

........Les poètes vantés
Sans cesse avec transport lus, relus, médités ;
Les dieux, l’homme, le ciel, la nature sacrée
Sans cesse étudiée, admirée, adorée,
Voilà nos maîtres saints, nos guides éclatans.

La poétique est la même, et ne diffère que par la distance des temps où elle est transplantée. Mais on pourrait soutenir qu’il y a bien du grec fin à travers l’accent gaulois de Surville, de même qu’il

  1. Je cite en ne faisant que rajeunir l’orthographe ; c’est une opération inverse à celle de tout à l’heure, et qui suffit pour tout rendre clair.
  2. En dépit.