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POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

ainsi tout droit à la romance drôlette du page dans Figaro : Mon coursier hors d’haleine !

Je n’ai point parlé encore d’un petit roman pastiche qui parut dans ces années (1765), et qui eut un instant de vogue, l’Histoire amoureuse de Pierre Le Long et de Blanche Bazu, par Sauvigny. Ce littérateur assez médiocre, mais spirituel, d’abord militaire, et qui avait servi à la cour de Lunéville, où il avait certainement connu Tressan, composa, rédigea dans le même goût, et d’après quelque manuscrit peut-être, cette gracieuse nouvelle un peu simplette, où d’assez jolies chansonnettes mi-vieillies et mi-rajeunies sont entremêlées. Tout cela doit suffire, je le crois, pour constater l’espèce d’engouement et de fureur qui, durant plus de trente ans, et jusqu’en 89, s’attachait à la renaissance de notre vieille poésie sous sa forme naïve ou chevaleresque. Rien ne manquait dans l’air, en quelque sorte, pour susciter ici ou là un Surville.

Ce que tant d’autres essayaient au hasard, sans suite, sans études, il le fit, lui, avec art, avec concentration et passion. Ce qui n’était qu’une boutade, un symptôme de chétive littérature qui s’évertuait, il le fixa dans l’ordre sévère. La source indiquée, mais vague, s’éparpillait en mille filets ; il en resserra le jet, et y dressa, y consacra sa fontaine.

On ne sait rien de sa vie, de ses études et de son humeur, sinon que, sorti du Vivarais, il entra au service dans le régiment de colonel-général, qu’il fit les campagnes de Corse et d’Amérique, où il se distingua par son intrépidité, et qu’étant en garnison à Strasbourg il eut querelle avec un Anglais sur la bravoure des deux nations. L’Anglais piqué, mais ne pouvant ou ne voulant jeter le gant lui-même, en chargea un de ses compatriotes qui était en Allemagne : d’où il résulta entre M. de Surville et ce nouvel adversaire un cartel et une rencontre sur la frontière du duché des Deux-Ponts. Les deux champions légèrement blessés se séparèrent. M. de Surville, on le voit, avant de chanter la chevalerie, sut la pratiquer. À partir de 1782, il dut employer tous ses loisirs à la confection de sa Clotilde, dont quelque trouvaille particulière put, si on le veut absolument, lui suggérer la première idée. Sept ou huit ans lui suffirent. M. Du Petit-Thouars, qui le vit à Paris en 1790, un moment avant l’émigration, assure avoir eu communication du manuscrit, et l’avoir trouvé complet dès-lors et tel qu’il a été imprimé en 1803. Si, en effet, on examine la nature des principaux sujets traités dans ces poésies, et si on les déshabille de leur toilette brillamment surannée, on ne voit