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Mais ce mieux, ce passable poétique est rare, et j’ai pu à peine glaner ces deux ou trois strophes. Ainsi, jusqu’à nouvel ordre, et à moins que des vers originaux de Vanderbourg ne viennent démentir ceux de ses traductions, c’est bien lui qui, à titre de versificateur, me semble parfaitement incapable et innocent de Clotilde[1].

J’avais songé d’abord à découvrir dans les recueils du XVIIIe siècle quelques vers signés de Surville, avant qu’il se fût vieilli, à les mettre en parallèle, comme mérite de forme et comme manière, avec les vers que nous avons de Vanderbourg, et à instruire ainsi quant au fond le débat entre eux. Mais ma recherche a été vaine ; je n’ai pu rien trouver de M. de Surville, et il m’a fallu renoncer à ce petit parallèle qui m’avait souri.

En était-il sérieusement besoin ? Je ne me pose pas la question ; car, le dirai-je ? ce sont les préventions même qui pouvaient s’élever dans un esprit, héritier surtout de l’école philosophique, contre le marquis de Surville émigré, un peu chouan et fusillé comme tel, ce sont ces impressions justement qui me paraissent devoir se tourner plutôt en sa faveur, et qui me le confirment comme le trouvère bien plus probable d’une poésie chevaleresque, monarchique, toute consacrée aux regrets, à l’honneur des dames et au culte de la courtoisie.

Sans donc plus m’embarrasser, au début, de cette double discussion que, chemin faisant, plus d’un détail éclaircira, je suppose et tiens pour résolu :

1o Que les poésies de Clotilde ne sont pas du XVe siècle, mais qu’elles datent des dernières années du XVIIIe[2] ;

2o Que M. de Surville en est l’auteur, le rédacteur principal. Et si je parviens à montrer qu’il est tout naturel, en effet, qu’il ait conçu cette idée dans les conditions de société où il vivait, et à reproduire quelques-unes des mille circonstances qui, autour de lui, poussaient et concouraient à une inspiration pareille, la part exagérée qu’on

  1. Si on me demande comment j’accorde cette opinion avec l’idée que la traduction, très admirée, de l’ode de Sapho pourrait bien être de lui, je réponds qu’il aurait été soutenu dans cet unique essai par l’original, par les souvenirs très présens de Catulle et de Boileau, par les licences et les facilités que se donne le vieux langage, par la couleur enfin de Clotilde, dont il était tout imbu. Un homme de goût, long-temps en contact avec son poète, peut rendre ainsi l’étincelle une fois, sans que cela tire à conséquence.
  2. Pour ceux à qui les conclusions de M. Raynouard et la rapidité si juste de M. Villemain ne suffiraient pas, j’indiquerai une discussion à fond qui se rencontre dans un bon travail de M. Vaultier sur la poésie lyrique en France durant ces premiers siècles (Mémoires de l’Académie de Caën, 1840).