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LA FLOTTE FRANÇAISE.

déric, et la sainte-alliance, caractérisèrent ces trois époques : elles furent toutes l’œuvre de l’Angleterre. Ce n’est pas nous qui l’accusons, c’est l’histoire.

Ce qu’elle a été dans le passé, nous ne croyons pas que l’Angleterre puisse l’être de nos jours. Il est des rôles qui ne sauraient se soutenir long-temps, et une heure sonne où l’on revient de soi-même à des sentimens de modération et de sagesse. La turbulente croisade de lord Palmerston a pu un moment faire croire au retour des procédés anciens et à un nouvel épisode de cette politique mêlée de ruse et de violence qui a tenu une si grande place dans nos relations ; mais du sein même de cet incident il s’est dégagé la preuve que rien ne ranimera plus désormais, dans toute leur vigueur, les longues haines qui divisèrent les deux peuples. Le réseau des intérêts, des habitudes, des idées, est trop serré maintenant pour qu’on puisse le briser avec impunité. La situation de l’Angleterre lui conseille d’ailleurs de la prudence : elle porte avec fermeté le poids des embarras qui l’assiégent, elle y suffit, elle les conjure ; mais elle est arrivée à un point où la mesure serait facilement comblée. Certes ce n’est pas du côté de la France qu’est venu le moindre obstacle à ses entreprises : jamais longanimité plus grande et tolérance plus complète ne furent données en exemple au monde. Aucun des empiétemens réalisés dans les Indes ne nous a arraché une remontrance ; nous avons laissé arborer le pavillon anglais sur les deux continens de la Nouvelle-Zélande, au préjudice des droits antérieurs ; nous avons assisté à l’exécution du pacha d’Égypte, notre allié naturel, nous avons même aplani, par une médiation efficace, les difficultés survenues entre le gouvernement napolitain et le cabinet de Londres. Que de preuves d’abnégation fournies dans le cours de quelques années !

Ces preuves auraient dû suffire à nos voisins, et empêcher qu’ils ne prissent le moindre ombrage du maintien de notre armement naval. Cependant l’Angleterre insiste sur la nécessité d’une réduction réciproque de ses forces de mer et des nôtres ; elle fait valoir des raisons de concorde et d’économie, elle nous invite à ménager nos finances, peut-être à cause des inquiétudes que lui donnent les siennes. On a vu pour quels motifs, dans toute hypothèse, une ouverture pareille devait nous trouver extrêmement circonspects. Mais ici se présente en outre une circonstance au moins singulière. En même temps qu’il nous invite à désarmer, le cabinet anglais envoie des renforts à ses flottes. En même temps qu’il nous propose une dislocation navale, il réorganise ses escadres et donne avec quelque