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mens interrompus, plus de grandes manœuvres, plus d’évolutions d’escadres : l’instruction navale restait à son premier degré, et la guerre pouvait nous surprendre sans que nos officiers en eussent fait l’apprentissage. La longue campagne d’Orient nous a fait entrer dans un meilleur système, celui de l’armement permanent. Ne lui dût-on que ce progrès, elle aurait assez fait pour la réforme navale. De cette campagne est sortie une flotte dont la valeur se multiplie par trois années de service suivi, et qu’on n’énervera pas, il faut l’espérer, par une dislocation inopportune.

Il faut avoir vu les rades d’Hyères et de Toulon dans le cours des trois mois qui viennent de s’écouler, pour se faire une idée exacte de la puissance de ce bel armement[1]. Aucun spectacle n’est plus imposant que celui-là ; l’imagination la mieux inspirée n’en saurait concevoir la grandeur ni le charme. Quinze vaisseaux de ligne, se couvrant de signaux ou s’enveloppant de fumée, ouvrant à la brise leurs blanches pyramides de toile, ou les faisant disparaître comme par magie, offrent un ensemble qui éveille un sentiment d’orgueil mêlé d’enthousiasme. Un œil exercé comprend sans peine tout ce qu’il y a d’énergie dans ces instrumens de destruction qui peuvent vomir plus de deux mille livres de fer par minute, et continuer pendant dix heures

  1. Voici l’état de notre flotte dans la Méditerranée :

    Océan, Souverain, Friedland, Montebello, de 120 canons ;
    4 vaisseaux, portant ensemble
    480 canons.
    Jemmappes, Hercule, de 100 canons ;
    2 vaisseaux
    200
    Iéna, Inflexible, Suffren, de 90 canons ;
    3 vaisseaux
    270
    Diadème, Jupiter, Santi-Petri, Neptune, de 86 canons ;
    4 vaisseaux
    344
    Trident, Généreux, Marengo, Triton Ville de Marseille,
    Alger, Scipion
    , de 80 canons ;
    7 vaisseaux
    560
    En tout 20 vaisseaux, portant ensemble
    1,854 canons,
    et montés par 18,000 marins environ.

    Cette flotte est commandée par le vice-amiral Hugon, le vice-amiral La Susse et le capitaine de vaisseau Leray. Trois vaisseaux sont à Tunis, deux dans le Levant, le reste à Toulon ou en service sur les côtes de l’Algérie.

    À ces vingt vaisseaux il faut ajouter dix frégates armées et une vingtaine de bateaux à vapeur. Dans ces forces ne sont pas comprises celles qui se trouvent dans nos ports de la Manche.