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teur. Que M. Savenay ait beaucoup de mérite, je ne le conteste pas ; mais vous oubliez que M. Herbeau me prodigue depuis deux ans des soins véritablement paternels.

— Paternels ! paternels ! dit M. Riquemont en serrant les poings ; que ces soins soient véritablement paternels, je ne le conteste pas, mais tu oublies que depuis deux ans que le docteur Herbeau te prodigue des soins véritablement paternels, ta santé ne fait que décroître de jour en jour. N’aimerais-tu pas mieux des soins moins véritablement paternels et plus véritablement efficaces ?

— Mon ami, dit Louise qui ne voyait pas bien clairement où son mari voulait en venir, je ne vous comprends pas. Si je n’ai pu me rétablir, il ne faut en accuser personne, et le docteur Herbeau moins que tout autre. N’avez-vous pas entendu M. Savenay lui-même approuver en tout point le traitement auquel je suis soumise ? Je conçois que vous soyez ennuyé de me voir souffrir ; mais, si cet ennui doit vous rendre injuste, je voudrais que ce ne fût pas envers mon pauvre docteur.

— Louison, répondit brusquement M. Riquemont, je ne suis injuste envers personne, et je persiste à déclarer que M. Herbeau est un sot, dont je ne voudrais même pas pour soigner mes poulains malades.

— Je le conçois, répondit Louise. Mais comme jusqu’à ce jour vous l’avez trouvé assez bon pour soigner votre femme, je ne sais pas pourquoi vous voudriez aujourd’hui…

— C’est toi qui deviens injuste, ma chère ; tu oublies que M. Herbeau ayant été jusqu’alors l’unique docteur de la contrée, je n’ai pas eu l’embarras du choix. Au reste, il est bon que tu saches que, si je l’ai préféré au vétérinaire de Saint-Léonard, c’est moins par amour pour ta santé que par respect pour ta personne.

— Mon ami, dit Louise, je vous remercie.

— Mais à présent, Louison, c’est autre chose ! Voilà qu’il nous arrive enfin un nouveau docteur, un docteur de Paris, celui-là, un enfant de la jeune médecine, qui a suivi les progrès de la science, et qui nous apporte les nouvelles découvertes de l’art. Puisque M. Herbeau, avec son grec et son latin et ses phrases poudrées à frimas, n’a pu déterminer encore une amélioration dans ton état, je crois qu’il serait sage et convenable de recourir à d’autres remèdes et d’essayer d’un système nouveau ; en un mot, dans ma sollicitude, que tu n’apprécies point assez, je viens te proposer d’en finir avec M. Herbeau et de mettre à l’épreuve le talent de M. Savenay.