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LE DOCTEUR HERBEAU.

comme Cœlius-Aurelianus, que les maladies chroniques ne sauraient être terminées heureusement par la seule force de la nature, et qu’elles doivent être nécessairement confiées à l’habileté du médecin ; ou croyez-vous, comme Bordeu, que ces affections ne soient assujetties qu’aux révolutions spontanées et aux mouvemens critiques ? Ou bien enfin abondez-vous dans le sens de l’illustre recteur de l’Académie de Montpellier, Charles-Louis Dumas, qui, pensant que le système de Cœlius-Aurelianus conduirait à une pratique violente, confuse et tumultueuse dans le traitement de ces maladies, et que celui de Bordeu livrerait les malades à une expectation funeste, a gardé un juste milieu entre ces deux systèmes opposés ?

Aristide s’interrompit, porta son verre à ses lèvres et attendit la réponse du jeune docteur.

— Papa Herbeau, s’écria M. Riquemont, vous êtes sublime, et je vous remercie de n’avoir point encore craché un seul mot latin dans votre assiette. Mais ne sauriez-vous arriver à Louison ?

— Sur toutes ces questions, répondit M. Savenay, monsieur le docteur Herbeau me trouvera toujours de son avis.

— Mon avis, monsieur, reprit Aristide, est qu’au lieu de rechercher péniblement les causes directes et prochaines des maladies, la science doit s’appliquer à connaître les affections primitives dont elles se composent et à déterminer l’influence qu’elles ont sur les phénomènes, sur la marche et sur toutes les modifications de ces maladies. Remarquez, monsieur, que cette méthode est une imitation heureuse de celle que l’on suit dans les autres sciences pour établir la théorie spéciale des objets qu’elles considèrent. C’est ainsi que la chimie reconnaît que la composition et les phénomènes chimiques des corps ont pour cause l’action déterminée de leurs principes constituans et le rapport des affinités naturelles qu’ils exercent les uns à l’égard des autres ; c’est ainsi que l’idéologie…

— Papa, s’écria M. Riquemont qui venait d’étouffer un horrible bâillement dans son verre, et qui commençait à craindre que le piége tendu à l’amour-propre d’Aristide ne tournât à sa plus grande gloire, ne sauriez-vous passer à Louison ?

— Sur toutes ces questions, dit gravement M. Savenay, je suis absolument de votre avis, docteur.

— On attribue généralement aux modernes, s’écria Aristide triomphant, l’invention de cette espèce d’analyse appliquée à la connaissance des maladies, qui nous fait distinguer les affections élémentaires dont elles sont composées ; mais il ne faut pas croire que les