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— Je crois, monsieur, répondit Savenay, que mon avis est complètement inutile. Le nom de M. Herbeau, ce nom que la Faculté révère, était déjà venu jusqu’à moi, et si je n’eusse pris conseil que de ma vanité, j’aurais sans doute refusé l’honneur auquel vous m’avez appelé. Je cherche la lumière et ne l’apporte pas, et vous me verrez toujours heureux, monsieur, ajouta-t-il en se tournant vers Aristide, de pouvoir reprendre auprès de vous les cours que je n’ai qu’imparfaitement achevés à Paris.

— Voilà une modestie qui me charme, s’écria M. Riquemont en avalant un verre de vin de Bordeaux.

— Et que je ne saurais prendre au mot, reprit Aristide. Nous avons à conférer sur la santé de Mme Riquemont, et nous en conférerons, monsieur, nous en conférerons, répéta le cher docteur, qui ne voulait pas avoir dérouillé son espingole pour tirer sa poudre aux mésanges, d’autant plus acharné à conférer qu’il prenait la modestie du jeune homme pour l’aveu de son ignorance.

M. Savenay s’inclina respectueusement ; M. Riquemont remplit son verre.

— Allons, papa, s’écria-t-il en se frottant les mains, il s’agit de soutenir l’honneur de votre maison ; songez que du haut du cimetière de Saint-Léonard trente années de gloire vous contemplent.

— Monsieur…, dit Aristide d’un air contrit et d’une voix suppliante.

— Bon ! vous vous emportez ; je ne dirai plus rien, s’écria le rustre en s’accoudant sur la table. Parlez, docteur, on vous écoute,

— Monsieur, s’écria le docteur Herbeau en s’adressant à Savenay, vous connaissez le sujet, vous l’avez interrogé : vous avez pu vous convaincre qu’il est affecté d’une maladie chronique ; car, lorsque les puissances vitales déploient une action faible et interrompue, que les symptômes sont modérés, que leur succession est lente, que le même ordre de phénomènes se manifeste sans variations pendant un long espace de temps, on dit qu’il y a maladie chronique. Or, c’est le cas qui se présente ici.

M. Savenay s’inclina de nouveau ; M. Riquemont laissa échapper un geste d’impatience.

— Est-ce que vous serez long ? demanda-t-il avec anxiété.

— Avant d’entrer dans l’examen détaillé de l’affection particulière qui doit nous occuper, reprit Aristide, il est nécessaire, monsieur, que je connaisse votre opinion sur le traitement des maladies chroniques en général. Partagez-vous celle d’Arétée, qui a laissé des ouvrages considérables sur cette partie intéressante de l’art ? Pensez-vous,