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LE DOCTEUR HERBEAU.

S’inclinant devant M. Herbeau :

— Combien je suis heureux de vous voir, monsieur ! dit le jeune homme ; j’ai eu l’honneur de me présenter chez vous et le malheur de ne pas vous rencontrer. Croyez que je me félicite d’avoir à conférer avec un homme aussi éclairé et de pouvoir faire mes premières armes sous un maître que la science honore.

Louise adressa au jeune docteur un regard qui voulait dire merci, et Aristide, serrant affectueusement la main de M. Savenay, se dit en lui-même : — Voilà un garçon charmant qui ne m’a pas l’air bien redoutable.

Cependant M. Riquemont était toujours en contemplation devant la monture de l’étranger, admirant le nerf détaché des jambes, la saillie des veines, gonflées d’un sang généreux, explorant du geste et du regard toutes les parties de la bête et s’assurant qu’aucune infirmité cachée n’en déparait les admirables perfections. Le jeune docteur allait prendre le châtelain pour le vétérinaire du village, lorsque Louise, s’appuyant sur le bras d’Aristide, et marchant doucement vers M. Riquemont :

— Vous voyez, monsieur, dit-elle à Savenay, que mon mari est amateur de beaux chevaux, et le vôtre est en effet superbe, ajouta la jeune femme en caressant de sa petite main le poitrail du noble animal, qui releva la tête avec orgueil.

M. Savenay salua M. Riquemont.

— Monsieur, lui dit le châtelain, je suis fou de belles bêtes, et vous me voyez enchanté de faire votre connaissance.

M. Savenay salua de nouveau, puis, après avoir tenu, durant quelques instans, sous son regard préoccupé, Mme Riquemont, son mari et le docteur Herbeau, il prit l’aisance habituelle de l’homme qui sait à quoi s’en tenir sur les choses et sur les personnes au milieu desquelles il se trouve engagé.

— Eh bien ! papa, s’écria M. Riquemont, que vous en semble ? voilà ce que nous appelons un cheval ! À la bonne heure ! c’est beau, c’est vaillant, c’est bien attaché, ça fait honneur à son cavalier. Mais qu’est-ce, je vous prie, que votre Colette ? Une oie, docteur, une oie bridée, qui n’est pas digne de cirer les sabots que voici.

Un garçon de charrue, qui vint prendre le cheval de M. Savenay pour le conduire à l’écurie, sauva le pauvre Aristide des spirituelles railleries de son hôte. Au même instant, une grosse fille de cuisine ayant crié du haut du perron que le déjeuner était servi, tous quatre marchèrent vers le château, Louise toujours appuyée sur le bras de