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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

les nouveaux tributs[1]. Soit que ces charges fussent, par elles-mêmes, d’une lourdeur insupportable, soit que le poids en fût aggravé, pour la masse des contribuables, par un mauvais classement des terres et par l’inégalité de la répartition, beaucoup de familles aimèrent mieux abandonner leurs héritages et s’expatrier que de les subir. Durant le cours de l’année 580, une foule d’émigrés quittèrent le territoire de Neustrie pour aller s’établir dans les villes qui obéissaient à Hildebert II ou à Gonthramn[2].

Cette année, où les mesures administratives du roi Hilperik tombèrent comme un fléau sur la Neustrie, fut marquée, dans toute la Gaule, par des fléaux naturels. Au printemps, le Rhône et la Saône, la Loire et ses affluens, grossis par des pluies continuelles, débordèrent et firent de grands ravages. Toute la plaine d’Auvergne fut inondée ; à Lyon, beaucoup de maisons furent détruites par les eaux, et une partie des murs de la ville s’écroula[3]. Dans l’été, un orage de grêle dévasta le territoire de Bourges ; la ville d’Orléans fut à demi consumée par un incendie. Un tremblement de terre assez violent pour ébranler les remparts des villes se fit sentir à Bordeaux et dans le pays voisin ; la secousse, prolongée vers l’Espagne, détacha des Pyrénées d’énormes quartiers de roche qui écrasèrent les troupeaux et les hommes[4]. Enfin, au mois d’août, une épidémie de petite vérole de la nature la plus meurtrière se déclara sur quelques points de la Gaule centrale, et, gagnant de proche en proche, parcourut presque tout le pays.

L’idée de poison occulte, qui, dans de semblables désastres, ne manque jamais de s’offrir aux imaginations populaires, fut admise presque généralement, et les potions d’herbes anti-vénéneuses jouè-

  1. Marcus quoque referendarius post congregatos de iniquis descriptionibus thesauros… (Greg. Turon., Hist. Franc., lib. VI, cap. XXVIII, apud Script. rer. gallic. et francic., t. II, p. 251.)
  2. Qua de causa multi relinquentes civitates illas, vel possessiones proprias, alia regna petierunt : satius ducentes alibi peregrinari, quam tali periculo subjacere. (Ibid., lib. V, cap. XXIX, p. 251.)
  3. Pari modo Rhodanus cum Arari conjunctus, ripas excedens, grave damnum populis intulit, muros Lugdunensis civitatis aliqua ex parte subvertit. (Ibid., lib. V, cap. XXXIV, p. 252.)
  4. Ipso anno graviter urbs Burdegalensis a terræ motu concussa est mæniaque civitatis in discrimine eversionis extiterunt. Qui tremor ad vicinas civitates porrectus est et usque ad Hispaniam adtigit, sed non tam valide. Tamen de Pyrenæis montibus immensi lapides sunt commoti… (Ibid.)