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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

Le conseil donné par la reine était de ceux que le roi Hilperik ne pouvait manquer d’accueillir avec joie. Il fut décidé qu’un renouvellement d’impôts aurait lieu dans toute la Neustrie, et, quant à l’exécution de ce grand projet, le roi en remit le soin à ses officiers gallo-romains, conservateurs des traditions de l’habileté et aussi de l’avidité administrative. Procédant selon la méthode suivie au temps des empereurs, ils firent un plan qui distinguait par classes les terres cultivées et qui les soumettait à différens taux et à différens genres de contribution ; ensuite un décret royal prescrivit l’application de ce plan à tous les pays anciennement ou nouvellement soumis au roi de Neustrie. La condition faite dans ces pays, depuis plus d’un demi-siècle, aux propriétaires indigènes, se trouvait tout d’un coup démesurément aggravée ; de nouvelles taxes, variées et graduées avec un certain art, étaient mises sur toutes les cultures et frappaient les instrumens de l’exploitation agricole. Il y en avait pour les champs, les bois, les maisons, le bétail, les esclaves, mais la principale surcharge porta sur les terres à vignes. Pour la première fois, elles étaient imposées à une amphore, c’est-à-dire à la moitié d’un muid de vin par demi-arpent, ce qui semble montrer qu’alors, dans son esprit de convoitise matérielle, Hilperik eut surtout en vue le produit des riches vignobles de l’Aquitaine[1].

La tâche d’aller, de ville en ville, faire le recensement des terres et des personnes soumises à l’impôt, tâche difficile dans ce temps et qui pouvait être périlleuse, fut confiée au référendaire Marcus, homme d’origine gauloise, très zélé pour les intérêts du fisc et très adroit à prélever pour lui-même une part des sommes qu’il percevait[2]. Cette commission était double, et il y avait deux manières

    proscriptionibus gravissimis populum sibi subjectum atterere cœpit. (Aimoini monachi floriac., de Gest. Francor., lib. III, cap. XXXI ; ibid., tom. III, p. 81.)

  1. Chilpericus vero rex descriptiones novas et graves in omni regno suo fieri jussit… Statutum enim fuerat, ut possessor de propria terra unam amphoram vini per aripennem redderet. Sed et aliæ functiones infligebantur multæ, tam de reliquis terris quam de mancipiis : quod impleri non poterat. (Greg. Turon., Hist. Francor., lib. V, cap. XXIX, apud Script. rer. gallic. et francic., tom. II, p. 251.) — L’aripennis gaulois, moitié du jugerum, équivalait, suivant l’estimation de M. Dureau de la Malle, à douze ares soixante-quatre centiares ; l’amphore contenait vingt-six litres.
  2. Marcum referendarium qui hæc agere jussus fuerat. (Greg. Turon., Hist. Francor., lib. V, cap. XXIX, apud Script. rer. gallic. et francic., t. II, p. 251.) — Marcus referendarius qui hanc descriptionem faciebat, secum omnes polepticos ferens. (Greg. Turon.}, Hist. epitomata, ibid., p. 409.) — Marcus referendarius huic muneri