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Hilperik l’idée de faire, pour son royaume agrandi, un nouveau règlement sur l’assiette et le taux de la contribution foncière. L’impôt foncier, organisé en Gaule par l’administration romaine, se levait encore, au vie siècle, d’après des rôles de cadastre modelés sur les anciens rôles impériaux. Les propriétaires gallo-romains le payaient seuls, et les hommes libres de race germanique s’en trouvaient exempts par leur coutume originelle et par une résistance obstinée contre laquelle venaient échouer toutes les tentatives, soit violentes, soit astucieuses, des officiers du fisc[1].

Cet exemple n’était pas sans influence sur les possesseurs indigènes, qui, secondés en cela par les évêques et le haut clergé des villes, employaient toute sorte de subterfuges pour éluder les sommations et les enquêtes des collecteurs fiscaux[2]. En outre, la dégradation toujours croissante des ressorts administratifs rendait la perception des taxes très irrégulière et les recouvremens très incertains. Les recensemens des biens et des personnes ne se faisaient que d’une manière partielle et devenaient de plus en plus rares ; en matière d’impôts, la coutume tendait à remplacer la loi. Vers l’année 580, lorsque Frédégonde, non par une inspiration politique, mais par l’instinct de cupidité qui lui était naturel, s’avisa de conseiller la mesure d’un recensement général, les taxes payées pour les immeubles dans le royaume de Neustrie se réglaient encore sur le même pied que du temps du roi Chlother, c’est-à-dire que, depuis vingt ou trente ans au moins, ni l’assiette ni le taux de la contribution n’avaient changé[3].

  1. Franci verò cum Parthenium in odio magno haberent, pro eo quod eis tributa antedicti regis (Theudeberti) tempore inflexisset, eum persequi cœperunt. (Greg. Turon., Hist. Franc., lib. III, cap. XXXVI, apud Script. rer. gallic. et francic., t. II, p. 202.) — Habebat (Fredegundis) tunc temporis secum Audonem judicem qui ei tempore regis (Chilperici) in multis consenserat malis. Ipse enim, cum Mummolo præfecto, multos de Francis, qui tempore Childeberti regis senioris ingenui fuerant, publico tributo subegit : qui post mortem regis ab ipsis spoliatus ac denudatus est. (Ibid., lib. VII, cap. XV, p. 299.)
  2. Sed cum populis tributariam functionem infligere vellent, dicentes quia librum præ manibus haberent qualiter sub anteriorum regum tempore dissolvissent, respondimus nos dicentes. (Greg. Turon., Hist. Franc., lib. IX, cap. XXX, apud Script. rer. gallic. et francic., t. II, p. 350.) — Gaiso vero comes… tributa cœpit exigere : sed ab Eufronio episcopo prohibitus, cum exacta pravitate ad regis direxit præsentiam. (Ibid.)
  3. Chilpericus autem rex descriptiones novas et graves per consilium Fredegundis in cuncto regno suo fieri jussit. (Gesta reg. Francor., apud Script. rer. gallic. et francic., t. II, p. 563.) — Chilpericus etiam rex, suggerente Fredegunde regina,