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On répond qu’ils quitteront le conseil d’état, et que, dans les conseils administratifs où les introduira l’élection populaire, ils feront un utile emploi de l’instruction qu’ils auront acquise au conseil d’état. À la bonne heure. Mais est-ce là le résultat qu’ils se promettaient, ainsi que leurs familles, en y entrant ? L’auditorat, noviciat public, préliminaire officiel des fonctions administratives, est-il créé pour le service de l’état ou pour faire, comme sur les bancs d’une classe, l’éducation de quelques jeunes privilégiés ?

Il faut donc que le nombre des auditeurs soit restreint : il doit être renfermé dans les limites que lui assignent le travail à faire dans le conseil, et les emplois à obtenir en le quittant. Ces limites même observées, le gouvernement devrait prendre des mesures pour assurer aux auditeurs un certain nombre de ces emplois. Il est indispensable de s’occuper de leur avenir, de le garantir dans une juste mesure, non-seulement à leur sortie du conseil d’état, mais encore dans les temps ultérieurs. On blâme avec raison ceux qui refusent d’entrer dans l’administration active ; il est vrai que plusieurs n’ont point accepté des sous-préfectures, qu’ils désirent tous rester dans le conseil, ou au moins à Paris, et qu’ils subordonnent leur avancement à ce désir ; ils ont tort, et cependant je ne saurais les blâmer très vivement dans la situation qui leur est faite. Ils craignent, non sans fondement, d’être oubliés dans leur nouveau poste, et d’y passer peut-être le reste de leur vie, probablement de bien longues années. Ensevelis dans quelque sous-préfecture plus ou moins obscure, ils n’auront que peu ou point d’occasions de s’y faire remarquer, et le gouvernement n’entendra plus parler d’eux. Le conseil d’état, avec un titre supérieur, serait leur ambition suprême mais qui les y rappellera ? qui songera même à les informer des rares occasions qu’ils auraient d’y rentrer ? Pour apaiser ces inquiétudes légitimes, il faudrait que quelque règle d’avancement fût adoptée par l’administration ; il faudrait surtout qu’on établît entre elle et le conseil d’état un lien hiérarchique, une espèce de roulement, qui profiterait plus encore à la communauté, comme disent les Anglais, qu’aux individus. L’auditeur serait forcé, sous peine de destitution, d’accepter les emplois actifs qui lui seraient offerts ; mais l’avenir s’ouvrirait devant lui, et il aurait quelque chance de rentrer dans le conseil d’état comme maître des requêtes : le maître des requêtes n’aurait pas le droit de refuser la préfecture désignée à sa capacité ; mais il ne devrait pas désespérer de terminer sa carrière comme conseiller d’état. Ce passage successif du conseil à l’application et de l’action à