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alléguer que deux raisons : il faut accuser ou le personnel de ne pas être à la hauteur de sa mission, ou le règlement de ne point se prêter à la délibération des lois. Si de tels obstacles existaient, on aurait le droit de dire au gouvernement qu’il serait de son devoir de les faire disparaître. Il dépend de lui d’appeler dans le conseil d’état des hommes habiles et capables ; il dépend de lui de réformer le règlement et d’assurer aux travaux la rapidité qui leur serait nécessaire. Mais je me hâte de dire que ces deux excuses seraient également fausses.

Le personnel actuel du conseil d’état, dans son ensemble, malgré le peu de soin apporté à son recrutement, contient encore tous les élémens nécessaires à une bonne et solide discussion des projets de loi. Il est toujours embarrassant et périlleux de citer des noms propres ; je ne puis trahir le secret des délibérations du conseil d’état. Mais les deux chambres possèdent plusieurs de ses membres, et les services qu’ils y rendent garantissent ceux que leur compagnie obtient de leur capacité ; presque tous, appelés habituellement à faire partie des commissions, ainsi que le leur reprochait un jour M. Gauguier, souvent rapporteurs, se mêlant avec succès aux débats, ils y apportent généralement, selon leurs spécialités propres, les bonnes raisons et les argumens vrais. Pour ne prendre que les situations officielles, les noms des vice-présidens du conseil et des comités, MM. Girod (de l’Ain), Bérenger, Degérando, Maillard, Fréville, Préval et Dumon, rappellent des services consacrés par l’estime publique, la science administrative éclairée par une longue pratique, une influence acquise dans les chambres par la rectitude du jugement, le talent du langage ou l’élévation du caractère. Depuis 1830, le conseil d’état a compté dans ses rangs MM. Cuvier, Allent, Thiers, Duchatel, Cousin, Villemain, Salvandy. En ce moment, il renferme encore des hommes de science et de talent autant qu’aucune autre compagnie judiciaire ou administrative. J’ai assisté dans son sein à de nombreuses discussions sur des questions de législation, de droit administratif, d’économie publique ; le débat m’a toujours paru complet, approfondi, peut-être plus qu’il ne l’eût été dans les chambres sur de tels sujets ; il était au moins plus attentivement écouté, et je suis assuré qu’aucun projet de loi ne traverserait cette épreuve sans y recevoir de notables perfectionnemens.

Quant au règlement, il se prête à toutes les convenances du travail de préparation des lois. Il est vrai que le conseil d’état est fort occupé : la plupart de ses membres siégent cinq fois par semaine,