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obtenu que le traitement de la cour de cassation fût reporté à son ancien taux, ce qui était convenable, juste et nécessaire ; mais, dans la session où il a le plus vivement appuyé cette demande et où il l’a fait accueillir, il a laissé de côté le conseil d’état, dont le traitement depuis lors a conservé son infériorité relative.

Je n’ignore pas ce que certains esprits forts diront à ce sujet : ils ne verront dans ces deux faits qu’une atteinte à des intérêts de vanité et d’argent, sans influence sur la véritable situation du conseil d’état. Je ne crois pas pourtant que ces intérêts doivent inspirer un tel dédain. Si la considération n’allait jamais qu’au mérite réel et propre qui devrait seul l’obtenir, on pourrait renoncer aux signes extérieurs qui l’attirent. Je le voudrais de tout mon cœur ; mais, de bonne foi, les choses se passent-elles ainsi ? Le public ne fait-il aucun cas des distinctions extérieures et honorifiques qui rehaussent les grands corps de l’état ? n’a-t-il aucun égard pour le rang qu’ils occupent ? ces corps eux-mêmes y sont-ils indifférens ? Qui pourra dire que le conseil d’état, supplanté dans les réceptions officielles, réduit à une rémunération inférieure de plus de moitié et même des deux tiers pour quelques-uns de ses membres, à celle qu’il obtenait autrefois, n’ait rien perdu de son élévation ? L’opinion se trompe, je le veux bien, mais n’est-elle à considérer que quand elle ne se trompe point ? Je regrette surtout que le gouvernement ait prêté les mains à cette sorte de décadence, et qu’il n’ait pas senti qu’à une époque où tout tend à s’amoindrir et à se rapetisser, où le pouvoir exécutif est l’objet d’attaques si vives, il importe de relever et d’agrandir tout ce qui compose ses attributs et le constitue en quelque sorte.


Personne ne niera du moins qu’une bonne composition du personnel donne de la considération aux grands corps de l’état : elle appelle la confiance à eux ; leur valeur se mesure à celle de leurs membres. Si l’opinion que je me fais de la mission du conseil d’état n’est pas exagérée, il devrait être exclusivement recruté par l’appel des hommes les plus éminens des chambres, de la magistrature, de l’administration, et même de l’institut et du barreau. Je n’imagine point de capacité à laquelle il soit inférieur, et je regrette amèrement pour lui, et pour lui seul, qu’un système d’économies mal entendu ne permette point d’arracher aux grandes fonctions et aux professions libres des supériorités qui feraient sa force et sa gloire. Par une combinaison nécessaire, la médiocrité des traitemens a influé sur les choix, et ceux-ci ont contribué au maintien des réductions. Cette